top of page

Est-ce la fin du monde ?

vrai-faux 6

Est-ce la fin du

monde ?

Aujourd’hui, si on en croit les médias, les politiques, les soi-disant études… les autres ne savent plus écrire. Les jeunes, les pauvres, les immigré·e·s, les Québécois·e·s, les journalistes, les chef·fe·s d’entreprise… L’écriture inclusive va tuer la langue française. Le SMS va tuer la langue française. La « novlangue manageuriale » va tuer la langue française. Le discours xyloglotte va tuer la langue française. Notre vocabulaire s’appauvrit ! Notre conjugaison s’appauvrit  Le français que parlent les jeunes est (forcément) décadent ! Face aux six mille trois cents langues qui risquent de s’évaporer au cours du siècle, est-ce vraiment la peine de se mettre dans tous ces états ? Le français est-il si vulnérable ?


On a parfois l’impression que notre langue, « langue de l’amour », « langue de la beauté », « langue de Molière », est un objet précieux, un présent duquel Dame Nature nous aurait doté, un bibelot à ne surtout pas écorcher, à préserver de tout changement, de toute évolution, de toute flexibilité. Cette idée fut déjà entérinée au dix-septième siècle, quand notre cher Monsieur Richelieu ordonna la construction de l’Académie française, qui était au départ destinée à créer un dictionnaire unilingue de grammaire, de poétique et de rhétorique.


Aujourd’hui, ne devrions-nous pas nous interroger sur ce rôle ? Au lieu de consolider la langue, de la faire évoluer, elle l’enferme, l’immobilise. Mais à quoi bon ?

Le SMS va tuer la langue française !

FAUX

Nombreuses sont les entreprises qui revendiquent l’envoi du tout premier SMS du monde. On raconte qu’à l’origine, en 1992, ce « Short Message Service » (« Service de Message Succinct » en français par rétroacronymie) fut inventé par une équipe finlandaise pour aider les personnes sourdes ou malentendantes à communiquer. Mais il ne tarda pas à se démocratiser. L’opérateur finlandais Radiolinja fut le premier au monde, en 1993, à le rendre accessible au commun des mortel·le·s. Depuis, le texto (appellation déposée par SFR en 2001 mais dé-déposée en 2009) il a connu une expansion fulgurante : en France, en décembre 2008, onze millions furent envoyés, un nombre qui, trois ans plus tard, se voit multiplié par quatre. Aujourd’hui, on estime que 200 000 SMS sont envoyés chaque seconde à travers la planète entière, soit un total de 2 500 milliards en 2008, 6 100 milliards en 2010 et 7 000 milliards en 2011. Le SMS semble ne posséder que de qualités : rapidité, efficacité, facilité, accessibilité. Mais une question terrible taraude les puristes et les perfectionnistes depuis des décennies entières : à écrire en SMS, ne perd-on pas l’orthographe ? Car, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, comme disait l’autre abruti.

Trafic SMS en France.jpg
Trafic SMS par personne.jpg

Figures 1 et 2. Le trafic SMS entre décembre 2008 et décembre 2011. À gauche, les statistiques de la France entière, à droite celles par personne en moyenne.

Mais avant tout, peut-on vraiment parler de « langage SMS » ? Certaines et certains soutiennent que oui, d’autres soutiennent que non. Il existe par exemple des cours de SMS, des manuels de SMS, comme CP SMS, un livre de Phil Marso. Ce langage a aussi une culture, comme par exemple Le Tour du monde en 80 SMS de Phil Marso (encore lui !) rédigé exclusivement en SMS. Il en existe aussi des variantes, des dialectes, comme par exemple le PMS, qui consiste à ajouter des apostrophes à certains endroits pour faciliter la lecture et la prononciation (« K’réC’ » (« caresser ») à la place de « KréC » (qui peut aussi se lire « krec », ce qui n’est pas très pratique pour communiquer), par exemple) ; c’est d’ailleurs ce « dialecte » qu’enseigne Phil Marso aux adolescentes et adolescents de quatorze et quinze ans. Toutes ces preuves laissent penser que le langage SMS serait en effet un langage, une sorte de langue. Mais — il y a un mais — n’oublions pas que le SMS ne sert qu’à retranscrire le français ; ce ne serait alors pas un langage, et encore moins une langue : le français en est une, le SMS un système d’écriture seulement, et le « langage » SMS un abus de langage. Autrement dit, l’écriture SMS n’est qu’un code qui sert à retranscrire le français, ce n’est qu’un « accessoire » si je puis dire, qui obéit à des contraintes de temps, à des contraintes techniques (autrefois, et toujours aujourd’hui pour certains téléphones, il fallait — il faut — cliquer une ou plusieurs fois sur une touche pour écrire une lettre, ce qui était — et est toujours — très long et très laborieux), à des contraintes d’espace (bien qu’ils soient majoritairement illimités de nos jours, ils devaient autrefois tenir en cent-soixante caractères, et tout caractère n’étant pas une des vingt-six lettres de l’alphabet ou un des dix chiffres (barre oblique, tiret bas, apostrophe, virgule, point, accents divers et variés) pouvaient occuper jusqu’à soixante-dix places), et enfin à des contraintes écologiques, car écrire moins de caractères, c’est aussi réduire le bilan carbone de ces petites crottes (bien que je ne sois pas tout-à-fait sûr que ce soit l’argument de départ). En linguistique, on nomme ce genre de systèmes d’écriture un sociolecte. Mais peu importe, le débat n’est pas vraiment là.

Venons-en aux questions qui fâchent. Est-ce qu’écrire des SMS en utilisant le « code » SMS nous rend complément abruti·e·s ? Non. N’en déplaise à certaines, n’en déplaise à certains, non. C’est une étude réalisée par le CNRS en mars 2014 publiée dans le Journal of Computer Assisted Learning qui le démontre. Citation : « La pratique des SMS ou textos n'a pas d'influence sur l'orthographe des collégiens, c'est leur niveau en orthographe qui détermine le type de fautes présent dans les SMS. » Tout simplement. Pour parvenir à cette conclusion, les examinateur·rice·s ont examiné (que c’est étrange !) un échantillon de 4 524 textos engendrés par les tapotis effrénés de dix-neuf adolescent·e·s français·e·s de douze ans qui n’avaient jamais eu l’occasion de posséder ou d’utiliser un portable avant le début de l’étude (qui s’est donc étalée sur plusieurs mois). En outre, le SMS ne constituerait aucunement une menace, ni un danger pour l’orthographe ou l’intelligence des adolescent·e·s. Au contraire : c’est une occasion de plus pour écrire. Et allons même encore plus loin : la densité des textismes en rupture avec le code traditionnel — autrement dit, le nombre de formes typiques des SMS modifiant la prononciation des mots (« jme » pour « je me », par exemple) — est plus forte chez les élèves « bons » en orthographe. Au demeurant, cela contribuerait aussi à muscler nos pouces (on sait que la taille et la corpulence moyenne de ces doigts va augmenter très fortement dans les prochaines années grâce — ou à cause ? — de la place que le portable a pris dans notre vie quotidienne.) Selon Susan Sotillo, professeuse espagnole agrégée à l’Université de Montclair, les jeunes, en utilisant l’écriture SMS, ne démolissent pas leur langue, mais la font évoluer, et on sait maintenant à quel point l’évolution d’une langue est primordiale pour sa « survie ». « En outre, le changement ne doit pas être considéré comme négatif. Nos élèves écrivent plus que toute autre génération dans l'histoire. Les enfants connaissent la différence entre l'écriture formelle et les textos d'une manière naturelle, donc utiliser les deux types d'écriture ne devrait pas être mauvais. »

 

La France n’est pas la seule à être parvenue à une telle conclusion. D’autres études ont eu lieu en Finlande, ont prouvé la même chose, d’autres ont eu lieu en Allemagne, ont prouvé la même chose, d’autres études ont eu lieu aux États-Unis, ont prouvé la même chose, d’autres études ont eu lieu au Sri Lanka, ont prouvé la même chose. Cependant, cette étude de 2017 nuance quelque peu avec une statistique plus précise : parmi toutes les erreurs faites par les adolescent·e·s sri-lankais·e·s, seules 2 % sont des erreurs peut-être éventuellement potentiellement liées à la pratique des SMS (des erreurs se rapprochant de cette écriture). Enfin, Cindy Barnes Herron, espagnole, soutient le contraire, et a mené une étude auprès de 228 enfants âgés de dix à quatorze ans et note que celleux qui avaient reçu ou envoyé un texto récemment avaient de moins bons résultats en grammaire que celleux pour qui ce n’était pas le cas. Mais ce n’est pas, contrairement à la première étude du CNRS, une étude réalisée sur plusieurs années, et des résultats à chaud comme ceux-là ne sont pas forcément les plus justes. De plus, elle a été menée concernant l’espagnol, et rien n’écarte la piste de conclusions différentes selon les langues (le degré de transformation peut aussi jouer). D’ailleurs, l’ONU, ayant pris connaissance de toutes ces études qui semblent s’accorder sur un même point, envisage sérieusement l’éducation avec l’écriture SMS pour motiver les troupes.

Tant qu’à détruire des idées reçues, allons jusqu’au bout ! Beaucoup craignent la disparition de l’écriture SMS — de tout ce patrimoine gigantesque — à cause de l’apparition de nouveaux portables plus performants, sans limite apparente de caractères, à cause aussi de l’apparition des correcteurs automatiques qui nous permettent de ne saisir que les premières lettres d’un mot pour l’écrire en entier, et correctement de surcroît. Que se passera-t-il quand les jeunes d’aujourd’hui grandiront, vieilliront, se rabougriront et mourront ? Qu’adviendra-t-il du SMS ? Et au fait, qui a dit que l’écriture SMS était réservée aux jeunes ? Voici, ci-contre, cinq textos plus ou moins abrégés, extraits du corpus constitué par la linguiste Rachel Panckhurst. Je vous laisse le soin d’attribuer à chacun d’eux un âge, ou plus précisément l’âge de son auteur ou de son autrice. Douze ans ? Vingt-quatre ans ? Cinquante-sept ans ? Les réponses étaient douze ans pour le premier et le deuxième, cinquante-sept pour le troisième et le quatrième et vingt-quatre ans pour le dernier. Vous avez fait une erreur ? Ou deux ? Ou plus ? C’est normal. Eh oui, au-delà d’être le « langage des jeunes », « le dialecte préféré des 12-15 ans », comme le dirait Slate, l’écriture SMS a pris racine chez toutes les tranches d’âges ; et comme on le voit dans le tableau, les personnes âgées de plus de quarante ans s’en emparent de plus en plus (son taux de pénétration à ces âges a connu une croissance de 10 % en deux ans). Ce qui prouve encore une fois que non, les portables modernes, les smartphones d’aujourd’hui ne tueront pas le SMS, malheureusement pour certain·e·s, heureusement pour d’autres…

SMS âges.jpg

Figure 3. Cinq textos plus ou moins abrégés, extraits du corpus de messages constitué par la linguiste Rachel Panckhurst. Je vous laisse le soin d’attribuer à chacun d’eux un âge, ou plus précisément l’âge de son auteur ou de son autrice. Douze ans ? Vingt-quatre ans ? Cinquante-sept ans ?

Langage SMS âges.PNG

Figure 4. Pourcentage d’utilisation « au moins quelquefois » du langage SMS par les différentes tranches d’âge de la population française.

Certes, on pourrait se dire que l’écriture SMS finira bien un jour par disparaître, par se faire supplanter par une écriture plus correcte, en « vrai français », mais de nombreux éléments tendent à prouver le contraire. Par exemple, même si le nombre de caractères maintenant n’est plus vraiment limité, ce système de contraction, d’abréviation, et cætera… fait gagner énormément de temps et de place. Considérez par exemple cette phrase : « La linguistique par ordinateur pourrait tirer profit d'une langue abrégée à la fois dans sa syntaxe et ses matériaux — non seulement du point de vue de la mémoire — mais surtout du point de vue de l'analyse algorithmique du langage humain, la particularité d'une langue abrégée étant de supprimer ou de contourner les idiomatismes. », qui contient 331 caractères. Après phonétisation (transformation des mots pour se rapprocher de leur prononciation) et application du rébus typographique (utiliser « koi 2 9 » pour « quoi de neuf ? », par exemple), on peut réduire cette phrase à 254 caractères, soit à une compression de 24 % : « La l1g8stik / ordinateur pourè tiré profi d'1 lang abréG à la x ds sa s1tax é C maTrio - non slmt du . 2 vu 2 la mémoir - mè surtt du . 2 vu 2 l'analiz algoritmik du langaj um1, la partiQlariT d'1 lang abréG étan 2 supprimé ou 2 contourné léz idiomatism. » (ce qui reste à peu près lisible). Enfin, en appliquant l’abréviation maximale en plus, on peut obtenir une compression de 53 % (soit 156 caractères), mais on arrive à une sorte de soupe de lettres et de symboles que seul·e·s les très, très, très expérimenté·e·s peuvent décrypter : « Lngk pr ordi pov7 tir pft du lng abr al fs ds sn sytx & sn matr# - nn slmt ptdv mmr - ms srtt ptdv algo spc a lngg hm, 1prtk lng abr = 8:supr o ktrn idiom#. »

Aussi, il est très souvent considéré que mettre un point à la fin de ses SMS serait malpoli, une authentique mauvaise manière. Le point marque un arrêt définitif, la fin de la discussion. Début 2016, la psychologue Danielle Gunraj a analysé la façon dont les gens perçoivent les messages se terminant par un point ; résultat : les participant·e·s ont souvent répondu que ce genre de SMS était celui qui leur semblait généralement le plus désagréable, antipathique et hypocrite. Dans une étude réalisée en 2007 par les linguistes Naomi Baron et Rich Ling, les textos composés de plusieurs phrases n’étaient ponctués à la toute fin que dans 29 % des cas. Mais pourquoi donc ce sentiment d’hypocrisie, d’insincérité ? Comme je l’ai dit plus tôt, le point marque une rupture, crée une sorte de distance avec son interlocuteur. Généralement celleux qui utilisent ce genre de ponctuations sont les personnes sérieuses ; vous imagineriez-vous parler avec vos ami·e·s comme on parle à son supérieur hiérarchique, comme on parle à son responsable de recrutement ? « Il y a peu, mon fils de 17 ans m’a signalé que dans bon nombre de mes messages, je semblais excessivement sûr de moi, voire rude, parce que j’utilisais par habitude un point à la fin. », raconte le professeur de linguistique Mark Liberman. L’écriture SMS a une orthographe, un code graphique. On voit bien qu’écrire un message ponctué peut facilement être mal pris : le SMS perdurera longtemps encore, tant que le point sera synonyme de poing, tant qu’il sera encore régi par des règles strictes et immuables. (Mais contrairement à ce qu’insinue très peu subtilement le CSA dans la campagne de publicité « Dites-le en français », les films ne seront jamais, au grand jamais, sous-titrés en SMS, vous en avez ma parole.)

Et pour terminer, cassons le plus grand mythe de toute cette épineuse affaire : abréger ses messages, ça ne date pas d’hier ! Déjà au premier siècle avant Jésus-Christ, le secrétaire de Cicéron, Tiron, inventait les notes tironiennes, un système graphique permettant de représenter une syllabe en un seul caractère. En latin médiéval, les moines copistes utilisaient abondamment les abréviations telles que « 9 » pour « cum ». Ce genre d’abréviations pouvaient ensuite se décliner en des dizaines d’autres mots, comme « 9st » (« consignificat »), « 9ris » (« commentatoris »), « 9’ » (« contra ») avant de passer dans la langue française. Eh oui, il n’est pas rare de trouver le mot « comme » écrit « 9me » dans les manuscrits des seizième et dix-septième siècles… Aussi, même si c’est quelque peu tombé dans la désuétude, les années 1800 et 1900 sont foisonnantes en abréviations : « et cætera » s’écrit « &c » (jusqu’en 1835, où l’Académie française siffle la fin de la récréation), « septembre », « octobre », « novembre » et « décembre » s’écrivent respectivement « 7bre », « 8bre », « 9bre » et « 10bre ». Et encore aujourd’hui, on voit partout des « M. » et « Mme » pour « Monsieur » et « Madame », « Dr » pour « Doctrice » ou « Docteur », « blvd » (qui ressemble particulièrement à un textisme) pour « boulevard », etc. Donc arrêtons de nous affoler sur l’impact éventuel qu’aurait le SMS sur notre orthographe ou notre grammaire : ce n’est pas nouveau, tout le monde ou presque l’utilise, et cela n’affecte en rien les capacité intellectuelles et cognitives des adolescent·e·s. Voilà qui est dit.
 

Le français évolue de plus en plus vite !

FAUX

 

C’est pourtant l’analyse que portait Michel Zink, professeur au Collège de France et secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres dans Le Figaro en septembre 2016. « Le français évolue donc sans cesse et c'est normal, mais actuellement il le fait trop vite. » « Le français risque de devenir une langue morte comme le latin ». Mais en réalité, depuis la naissance de l’Académie française (cette espèce de blob informe et incurable dont, décidément, je ne cesse de vous parler), sous Louis XIII, on constate un grand ralentissement, voire un gros coup de frein de l’évolution du français — officiel, du moins. En effet, selon la scientifique Pernette Langley, qui s’est exprimée ainsi dans la revue Diagrammes du Monde spéciale été 1969, l’évolution de la langue française entre l’année 1000 et l’année 1500 « est beaucoup plus accentuée que dans le demi-millénaire suivant. » Et c’est vrai. C’est entre les onzième et quinzième siècles que sont apparus les pluriels en -aux, que l’ordre des mots dans la phrase s’est fixé (car il était libre), que le Y est devenu I dans de nombreux mots, tout comme le Z est devenu S, le A est devenu E, les déclinaisons ont disparu… C’est entre les onzième et quinzième siècles que sont apparus dans la langue française (presque) tous les mots arabes, germaniques, latins, grecs… Alors qu’entre 1500 et 2000… Pour le dire purement et simplement, notre langue est prisonnière de sa propre histoire, de sa propre grammaire, d’elle-même.

D’ailleurs, si on compare aux autres langues européennes, on constate bien aisément que le français est une des plus immuables et des plus hermétiques au changement. Il suffit pour cela de consulter le rythme des réformes orthographiques. En Catalan : 1962 (autorisation de certaines variantes dans les conjugaisons et les déterminants), 1984 (édification d’une règle sur les mots en -es), 1992 (norme de l’orthographe des premières personnes des conjugaisons du présent de l’indicatif), 1993, 1995, 1996, 1999, 2006 et, enfin, 2016, année où l’Institut d’Estudis Catalans a annoncé des changements radicaux dans les normes orthographiques de la langue : suppression de la quasi-totalité des accents écrits, notamment dans tous les noms composés et leurs dérivés. Certes ces multiples réformes apportent très peu de modifications, mais elles sont tout de même particulièrement régulières. En Allemagne, en 1996, on assiste à la suppression quasi-totale de l’esszett (ß), que la Suisse avait déjà aboli en 1930, mais aussi à un rapprochement des mots de leur racine dans un objectif d’homogénéisation, à la disparition de certains H muets qui rendaient l’écriture plus lourde et compliquée, à la facilitation de la formation des noms composées, à la germanisation des mots étrangers, à l’entérinement de certaines graphies auparavant considérées comme erronées, à la coupure en deux morceaux de pas mal de noms composés afin de les rendre plus agréables à la lecture et plus malléables à accorder, à la disparition (facultative) de certaines règles concernant les virgules, au changement des règles de césure, de traits d’unions…

En Espagnol, en 2010, les vingt-deux académies linguistiques se mettent d’accord pour supprimer un grand nombre d’accents écrits jugés peu nécessaires (« aquél » devient « aquel », « guión » devient « guion », « ó » devient « o », « fió » devient « fio », et cætera…), pour n’employer que la lettre Q suivi d’un U lorsque celle-ci est avant un E ou I (donc « Iraq » devient « Irak », « quorum devient « cuórum », « Qatar » devient « Catar »…), pour retirer aux digrammes « ll » et « ch » leur statut de lettres à part entière dans les dictionnaires (ils ne l’étaient officiellement déjà plus depuis 1999 mais les dicos avaient fait de la résistance), pour renommer la lettre « be alta » « be » (B), « be baja » en « uve » (V), « uve doble » en « doble uve » (W), « i griega » en « ye » (Y) et « i latina » en « i » (I). En portugais, en 1990, sont entérinées la suppression complète et définitive du Ü (dans « lingüiça », « pingüim »…), celle de l’accent aigu dans un certain nombre de cas (« estréia » et « idéia » deviennent « estreia » et « ideia »…), celle de l’accent circonflexe en cas de doublon (« vôo » devient « voo »…), celle de nombreuses consonnes rendant la prononciation trop laborieuse (le P dans « óptimo », le C dans « objectivo », et cætera), du trait d’union dans certains cas (« hão-de » devient « hão de », « anti-semita » devient « antissemita »…) ainsi que la fin définitive de lettres encombrantes tels que le H en début de mots, le N quand il est doublé et la correction de nombreuses irrégularités étranges. En grec, on a récemment décidé la suppression de tous les accents, sauf l’aigu et le tréma sur l’iota et l’ipsilon. C’est sous la pression des médias, des professeur·se·s et compagnie que l’Académie française a enfin accepté de changer quelque peu notre orthographe en 1990. Plus aucune modification n’avait été faite officiellement depuis l’année 1878 (et encore, elle ne consistait qu’à supprimer quelques accents trémas par ci par là comme celui qui ornait le E de poète). Et même après après la publication des susdites modifications, certains académiciens ont largement nié avoir participé à cette « déshonorante simplification ». Selon Régine Pierre, professeure au Département de didactique de la même faculté, nous, locutrices et locuteurs du français, aurions pris cent ans de retard linguistiques par rapport à l’italien, l’espagnol et l’allemand.

Mais pourquoi ? Changer l’orthographe, est-ce si honteux ? Pourquoi rechignons-nous tant à voir notre propre langue évoluer ? Car, tout le prouve dans notre histoire, nous sommes les premiers, après les Italianophones, à avoir doté notre langue de règles strictes. Nous sommes aussi dans les premiers à avoir entraîné un grand « nettoyage » linguistique au XVIIème siècle. Selon l’Acadienne Antonina Maillet, Rabelais utilisait quarante mille mots différents dans ses œuvres alors que Racine, un siècle plus tard, en utilise vingt fois moins. Au profit de la pureté, de la beauté, de l’homogénéité, on aura sacrifié la richesse. Et très vite, l’orthographe devient une question primordiale : avec l’alphabétisation progressive d’une grande partie de la population, elle devient un critère très sérieux à prendre en compte lors d’entretiens d’embauche et autres rendez-vous galants. On assiste à la naissance, au développement et à l’essor de la dictée, exercice auquel tout le monde rate, auquel tout le monde fait des fautes, des fautes que l’on préfère oublier et cacher. Les Françaises et les Français comment à se corriger mutuellement, sans cesse. Et on se met alors en quête de trouver LE français, le beau, le pur, le parfait… On réécrit les textes de Corneille, de Molière pour les mettre en accord avec les nouvelles normes de l’époque, les plus « correctes ». Le Cid que nous lisons ne date pas du dix-septième siècle, mais de 1830. Dans les écoles aujourd’hui, ce n’est plus le français qui est enseigné, c’est une langue artificielle, périmée, fantasmatique, une langue qui n’a jamais vraiment existé, mais que l’on préfère continuer d’enseigner nonchalamment pour éviter de se poser trop de questions, pour éviter à tout prix le « nivellement pas le bas », pour conserver l’idée d’un français, beau, clair et propre, sans impureté, sans salissure, sans élément qui dépasse, un français lisse. Et on estime qu’en 2016, 55 % des Français·e·s étaient tout-à-fait opposé·e·s aux rectifications orthographiques de l’Académie. Je pense qu’il y a une sorte de fierté à connaître la langue française comme sa poche, à pouvoir ramener sa fraise à chaque faute plus ou moins grave, à pouvoir impressionner les autres avec ses connaissances orthographiques hors du commun. En effet, tout le monde s’accorde à dire que l’orthographe est un facteur de discriminations, et que le savoir parfaitement permettrait de « différencier les gens de lettres des gens ignorants et des simples femmes » (comme le disait très explicitement l’Académie française dans la première édition de son dictionnaire)…

L'anglais va tuer le français !

FAUX

 

Depuis une trentaine d’années, on assiste en France à une invasion de mots anglais. Oui, les mots anglais envahissent la langue française, la plaquent à terre, la torturent, la violent, la meurtrissent, la tuent à petit feu. La langue française est donc condamnée à la disparition, condamnée au grand remplacement, condamnée à l’extinction. Et c’est pareil pour toutes les langues du monde : l’espagnol est envahi par les anglicismes, l’allemand est envahi par les anglicismes, l’italien, malgré un article de l’Académie française qui conteste ce fait apparent, est envahi par les anglicismes. L’anglais va tuer les langues, l’anglais va tuer la langue française…

Alain Duault, poète, écrivain et musicologue, dénonce un « masochisme national », une « décadence » (car oui, l’évolution d’une langue se traduit forcément par une décadence), des « aberrations de métissage linguistique », une « permanente défiguration de la langue française », d’une « abdication à notre identité première ». L’Académie française, qui a entamé depuis des temps immémoriaux une guerre sans pareil contre les anglicismes, les traitent de « subterfuge bâtard propre à des ignorants », de « complexé d’infériorité »… Le Figaro, journal national le plus lu de France, a déjà publié trois-cent-soixante-dix-sept chroniques et articles sur « les anglicismes à bannir au bureau », sur « les anglicismes qu’on ne veut plus entendre », ou encore « les affreux anglicismes des politiques »… Christophe Girard, dont je vous ai déjà parlé, a écrit dans le Huffington Post une lettre ouverte à la secrétaire perpétuelle de l’Académie française pour lui demander — que dis-je, la supplier, l’implorer, la conjurer — de lutter contre cet « affaiblissement de notre langue », contre « ces formes de paresse et de vulgarité nouvelles », afin que notre langue ne soit plus « piétinée, contournée, abimée, oubliée, outragée, brisée et martyrisée ». Même le CSA s’y est mis, avec une campagne publicitaire on-ne-peut-plus pédante et désagréable.

Mais rendons-nous à l’évidence. Ne croyez-vous pas que le français, parlé par plus d’une centaine de millions de personnes chaque jour, deuxième langue la plus enseignée après l’anglais, n’est pas assez résistante pour survivre à cette « invasion » ? Et ce mot, invasion, je l’ai mis volontairement entre guillemets, car il n’y a aucune invasion ! 0,7 % des mots du dictionnaire sont des anglicismes ! Moins de trois mille mots en tout ! Vous rendez-vous compte de la petitesse de ce nombre ? C’est plus de cent fois moins que les mots latins, c’est absolument minuscule !

Emprunts.jpg

Figure 5. Graphique des emprunts en fonction des langues.
Quelques précisions :
— On nomme langues sémitiques : l’arabe classique, l’arabe maghrébin, le berbère, l’hébreu, l’égyptien ancien, l’amharique…
— On nomme langues d’Asie : le malais, l’hindi, le chinois, le sanscrit, le coréen, l’hindoustani, l’indonésien, le tibétain, le malayalam, le japonais, le mongol, le tamoul, le vietnamien, le tatar, le khmer, le kirghiz…
— On nomme langues slaves : le russe, le tchèque, le polonais, le serbe, le croate, le bulgare…
— On nomme langues amérindiennes : le tupi-guarani, l’algonquin, le caraïbe, le quechua, l’inuktitut, l’aztèque, le guarani, l’huron, l’iroquois…
— On nomme langues scandinaves : le norvégien, le suédois, le danois, l’islandais…
— On nomme langues africaines : le bantou, le malinké, le wolof, le swahili, le yorouba, le zoulou…
— « Autres » regroupe les langues celtiques (tels que le gallois ou le gaélique), le hongrois, l’araméen, le roumain, le frison, l’assyrien, le finnois, le lapon…

Mieux encore : les anglicismes finissent tous par se périmer. Ce n’est qu’une mode. Tant de mots d’outre-Manche se sont évanouis au fil des années ! Constitutionnal, par exemple. Et non, l’italien ne résiste pas mieux que nous. L’italien, par exemple, n’est (toujours) pas équipé de mots pour ordinateur, souris ou dessin animé…

Une lutte acharnée comme celle que mènent tous les organismes prétendument « défenseurs de la langue française » ne font que perdre leur temps, leur salive et leurs moyens. Rien n’y fera. Rappellerais-je que toutes les alternatives proposées par les différentes académies ont échoué ? Que personne n’utilise le terme « mot-croisillon » pour « hashtag » ? Que personne n’utilise le terme « barre oblique » pour « slash » ? Que personne n’utilise le terme « terminal de poche » pour « smartphone » ? Cette guerre est perdue d’avance. La meilleure chose que nous ayons à faire si nous voulons la continuer est de nous asseoir et de nous tourner les pouces, d’attendre que la « vague » soit passée, et surtout d’arrêter de dramatiser. Chaque langue est riche de ses emprunts. Chaque langue dépend d’une autre. Le français dépend du latin. Et très, très peu de mots français sont nés en France. Le nombre d’années qui nous séparent des « belles » époques du latin et du grec ancien se fait de plus en plus élevé ; il est bien normal que l’on commence à les oublier, à arrêter de leur prendre des mots. Si l’évolution de langue française doit passer par l’anglais, elle passera par l’anglais, tout comme elle est passée par le germanique au dixième siècle, par l’arabe aux douzième et treizième siècles, par l’italien aux seizième et dix-septième siècles, et par le grec ancien aux dix-huitième et dix-neuvième siècles. Tout simplement. Et la culture française, jamais, au grand jamais, ne sera démolie, puis supplantée par l’anglaise, comme elle ne l’a pas été par la culture germanique, par la culture arabe, par la culture italienne ou par la culture grecque.

Il est vrai que les langues les plus parlées du monde aujourd’hui telles que l’anglais, l’hindi, l’espagnol et l’arabe seront chacune parlées par 5 % de la population mondiale en 2050, tandis que le mandarin sera la langue d’un dixième du globe (en excluant, bien entendu, toutes les formes de vie non-humaine). Et la crainte de tout un chacun concernant cette désappointante « montée en puissance » linguistique est que ces cinq dialectes avalent tous les autre dialectes du monde et les réduisent à néant. Mais selon les linguistes, manifestement plus rationnel·le·s, c’est tout bonnement impossible. « Nous autres, Français, avions une vision déformée de la réalité, explique Bernard Victorri, directeur de recherche au CNRS. La plupart des gens sur la planète maîtrisent au moins deux langues, la langue du marché et leur langue maternelle. » « L’une sert à communiquer avec le plus grand nombre, l’autre à signifier son identité, il n’y a aucune raison que ça disparaisse », ajoute Jean-Marie Hombert. La langue française, à défaut d’être la langue du commerce, la langue de la science ou de la culture internationale, restera pour encore longtemps la langue parlée par des millions de gens dans leur famille, dans leur entourage… Et tant qu’elle sera enseignée, elle sera immunisée contre la disparition, au contraire d’un grand nombre de langues non écrites qui, elles, méritent d’être étudiées pour ne pas être entièrement oubliées, à l’instar de ces millions de langues desquelles nous n’avons aucune trace. En fait, quand bien même une seule langue prenait le dessus sur toutes les autres, elle ne tarderait pas à se diviser en une multitude d’autres, comme différents dialectes, car l’éloignement géographique, démographique et culturel rend impossible l’existence d’une langue unique sur Terre.

Enfin, je souhaiterais ajouter une précision à ce monticule d’informations. Ce n’est pas le français, l’allemand, l’espagnol ou l’italien qui va le plus subir l’apparition des anglicismes et leur prolifération, mais la langue anglaise elle-même. Car oui, l’anglais que nous connaissons, l’anglais qui est parlé par les politiques et en entreprise n’est pas l’anglais parlé par les Anglophones. Il n’est pas l’anglais que les Anglais et les Américains ont appris dans leur famille. Il s’agit d’un anglais bien plus simplifié, bien plus universel et bien plus « pauvre » en particularités.

L'accent arabe va tuer l'accent français !

FAUX

« Je suis très frappé par le fait, maintenant, que nombre de « beurs » et de gens qui vivent dans les banlieues, quelle que soit leur origine ethnique, ont un accent, qui n’est plus français tout-à-fait. Mais ils sont nés en France ?! Et pourquoi ont-ils un accent ? Et pourquoi leurs enfants auraient-ils un accent ? C’est tout-à-fait sidérant ! (…) Et là, maintenant, vous voyez, dans les banlieues, des Français de souche qui ont un accent ! Mais pourquoi ?? Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Parce qu’il y a une autre manière de parler la langue, telle qu’elle se déploie dans le rap, dont il est interdit de dire du mal (…) » Vous aurez évidemment reconnu Alain Finkielkraut, l’intellectuel et philosophe qui est tout sauf intellectuel et philosophe. Ce qu’il dit dans cette conférence datant du 23 janvier 2014 (comme quoi, on n’est pas débarrassé des amalgames), c’est que les gens, maintenant, ont de plus en plus un accent « beur », que l’accent français est en train de disparaître face à l’accent arabe des banlieues et du rap — sur lequel, évidemment, on n’a pas le droit de taper, parce que sinon, il y va y avoir les méchants bien-pensants qui vont se fâcher. Bien sûr.

Le fait est qu’aucune étude n’a jamais prouvé l’existence cette « arabisation massive ». Au contraire, il semblerait qu’il n’y ait aucune corrélation entre le nombre croissant de personnes qui fuient le Printemps arabe — donc la popularisation de l’accent du Maghreb — et les variations que l’on enregistre dans l’accent français des « jeunes ». Et pour le prouver (même si, au départ, elle cherchait à prouver le contraire), la sociolinguiste Zsuzsanna Fagyal, pour son livre Accents de banlieue. Aspects prosodiques du français populaire en contact avec les langues de l’immigration, paru en 2010. Pour cela, elle est allée examiner d’étranges et rares spécimens vivant dans l’Est parisien et dans la banlieue parisienne : des jeunes d’origine maghrébine, ou plutôt, leur accent. Après avoir minutieusement étudié les traits que des personnes extérieures prêtaient à l’« accent arabe des banlieues », elle conclue ce que je vous ai dit un peu plus tôt : l’absence de toute corrélation entre l’accent maghrébin et l’accent des banlieues.

En effet, cet accent si particulier qui en fait frémir plus d’un·e n’est pas un accent maghrébin, mais un style adopté par un groupe de personnes partageant le même environnement urbain. La seule chose sur laquelle l’arabe aurait peut-être, éventuellement, influé, serait la prononciation des certaines syllabes plus forte que d’autres (donc la présence d’un accent tonique). Et encore, ce n’est qu’une hypothèse, assez peu étayée pour l’instant car il est possible que ce ne soit dû qu’à l’âge des sujets : en effet, les enfants et adolescent·e·s parlent avec un débit plus rapide que les adultes ; et il manque d’enregistrements plus anciens pour constater — ou non — une évolution concrète.

Bref, peu importent les incertitudes, il y a quelque chose de sûr : c’est que, non, l’accent « beur » ne tuera pas l’accent parisien, car il n’existe pas d’accent beur. L’accent français est condamné à évolué, à changer perpétuellement, et ce n’est pas la première fois : il y a quelques siècles, français se prononçait « fwanne-tsouê » (le W représentant ici un R comme en anglais), et il n’y a pas si longtemps encore, les R se roulaient…

Les jeunes Français·e·s sont nul·le·s en orthographe et en lecture !

FAUX

C’était en novembre 2016. « On récolte ce que l’on a semé ». (RMC, BFMTV). « Le niveau des écoliers baisse ». (Le Parisien). « Toujours plus de fautes en trente ans. » (Libération). « Les écoliers français font de plus en plus de fautes ». (Le Journal du dimanche). « Près de deux fois plus de fautes sur une même dictée en moins de 30 ans : faites-la faire à vos enfants. » (La Voix du Nord). C’était donc en novembre 2016 que le très grand et très prestigieux Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche publia une étude funeste qui allait renverser le paysage médiatique français à l’heure où nous étions toutes et tous en train de suivre et de pleurer l’élection d’un animal sauvage et révulsant à la tête de la première puissance économique du monde.

Cette étude, intitulée « Les performances en orthographe des élèves en fin d’école primaire », porte en elle un message cruel, et pourtant crucial, un message qui en émut plus d’un·e : tout fout l’camp. Les jeunes ne sauraient plus écrire — correctement, en tout cas. Citation : « Évalués en cours moyen deuxième année (CM2) en 2015, les élèves, entrés en cours préparatoire (CP) en 2010 pour la plupart, ont de moins bons résultats en orthographe que les élèves évalués en 1987 et 2007. La baisse des résultats constatée entre 1987 et 2007 n’a ainsi pas été enrayée. Les compétences orthographiques mesurées dans le cadre d’une dictée diminuent globalement : en 2015, les élèves font en moyenne 17,8 erreurs contre 14,3 en 2007 et 10,6 en 1987. » Le document est bourré de graphiques, de tableaux divers et variés et de chiffres à ras-bord. Il est précis, complet, détaillé… (Si j’étais un mauvais esprit, je dirais plutôt que l’on tente de noyer le poisson…) Tout laisse à croire qu’entre 1987 et 2015, le niveau des élèves français·e·s de CM2 aurait été — par je-ne-sais-quel enchantement — divisé par deux. Mais comme je vous le disais un peu plus tôt, cela laisse surtout à désirer, et il n’est pas difficile de voir comment on a essayé de noyer sous un monceau de détails et de statistiques abracadabrantes un pauvre poisson innocent.

Car, je vous le dis, le très honorable Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement et tout et tout, a manqué de précision et de professionnalisme à un point non négligeable. Car l’échantillon étudié n’est pas le même au cours des années, ce qui pose un petit problème : « La population visée en 1987 était celle des élèves de CM2 scolarisés en France métropolitaine dans le secteur public. En 2007 et 2015, les évaluations concernaient aussi le privé et l’éducation prioritaire. Pour 2015, les élèves interrogés sont entrés majoritairement en CP en septembre 2010. (…) À chaque date, les échantillons sont composés de plusieurs milliers d’élèves – entre 2 000 et 4 000 – représentatifs de la population visée. (…) Les textes, les questions et la dictée sont identiques aux trois périodes : 1987, 2007 et 2015. » C’est en réalité sur cette petite note de bas de page que se trouve toute la clef du mystère : comment cela se fait-il que les élèves de 2015 soient si mauvais en orthographe ? Pourquoi sont-ils donc si bêtes ?

Tout simplement parce que ces statistiques qu’avancent le très grand et très haut Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et tout et tout, mais aussi la plupart des journaux, chaînes radiophoniques, vidéographiques ou télévisuelles et compagnie, sont erronées — ou du moins trouvées et énoncées de façon totalement fallacieuse et sophistique. Remarquez : en 1987, la population visée est constituée des élèves de CM2 des écoles primaires publiques de Paris ; en 2007 et en 2015, elle est constituée des élèves de CM2 des écoles primaires publiques et notamment des écoles en REP (réseau d’éducation prioritaire). (Précisons que les autrices de cette étude ont pris le soin d’éloigner les élèves des écoles privées des chiffres finaux). C’est là que réside une partie de l’imperfection des données car les zones de « réseau d’éducation prioritaire » sont celles où l’on trouve le plus d’enfants ayant subi une migration ou dont les parents ont subi une migration (essentiellement d’Algérie, du Maroc ou du Portugal) et qui sont alors les plus susceptibles d’avoir des problèmes, voire un « retard » dans l’école française. Et ce en toute objectivité, car selon le HCI (Haut Conseil de l’Intégration), ces enfants ont, dans 60 % des cas, des parents non-diplômés, contre seulement 13 % pour les autochtones français·e·s. Ce sont aussi des enfants qui sont susceptibles de ne pas parler français chez elles·eux, ou encore de vivre sous le seuil de la pauvreté. Ainsi, ils doivent bien souvent apprendre la langue sur le tas, rattraper tout ce qu’ils n’ont pas pu acquérir auparavant, et ce à la vitesse grand V. Mais la tâche est encore plus compliquée que prévu car les parents ne parlant pas forcément français ne pourront pas les aider dans ce processus, et la pauvreté les contraindrait à se passer de toute sorte d’« objets de culture » — comme les livres, les films…

REP et REP+.jpg
Immigration.jpg

Figures 6 et 7. La première carte représente le nombre d’écoles étiquetées REP et REP+ en 2015. La deuxième met en relief le pourcentage d’immigré·e·s dans la population en France. Plus c’est vert, plus c’est bas ; plus c’est rouge, plus c’est haut. (On voit ainsi que la plupart des zones où le pourcentage d’immigré·e·s, comme la banlieue parisienne, sont celles où l’on dénombre le plus d’écoles en situation de REP ou REP+.)

Aussi, on pourrait reprocher aux examinatrices et/ou examinateurs de cette étude la petitesse de leur échantillon de sujets. Tout d’abord, on n’est renseigné sur aucun nombre précis. « Entre 2 000 et 4 000 », nous dit-on, mais sans préciser pour quelle année. Car, le fait de choisir un nombre de cobayes différent selon des années n’est pas très pratique pour le·a lecteur·rice ou le·a journaliste qui cherche à écrire son article. Ensuite, il faut relativiser un peu : deux mille ou quatre mille, ce n’est pas suffisant ! Afin de prouver quoi que ce soit, il faudrait réaliser une étude de très grande envergure, avec une plus grande régularité, sur un plus grand nombre d’élèves. Toujours sur l’échantillon, on peut dénoncer le manque de données concernant le procédé utilisé pour le choisir. Car on nous dit qu’ils sont représentatifs, mais représentatifs comment ? Où sont les écoles concernées ? Comment a-t-on jugé d’une « représentativité » ? Tout cela est un peu flou. Et pour terminer une bonne fois pour toutes avec l’échantillon, rappelons qu’il n’est pas le même selon les années. C’est peut-être un détail pour vous, mais il y a sensiblement plus de garçons que de filles dans l’échantillon en 2007, alors que c’est l’inverse en 1987 et en 2015. C’est aussi peut-être un détail pour vous, mais la situation des parents des élèves est non-renseignée dans quasiment un cinquième des cas en 2015, ce qui rend impossible toute interprétation ou tout extrapolation. Bref, toute cette histoire manque sérieusement de sérieux.

 

Quant aux chiffres du niveau du baccalauréat, il faut tout simplement arrêter de les prendre en compte. En 1913, on recense en France 7 000 bacheliers et 300 bachelières. Dès 1930, le linguiste André Moufflet fustige au vitriol le lamentable niveau des bacheliers, au nombre de 15 500. Un nombre multiplié par quarante-quatre en 2018… Cet exemple montre assez bien qu’on ne peut pas comparer ce qui n’est pas comparable, exactement comme ces fameuses statistiques sur les élèves de CM2…

PIRLS 2011.jpg

Figure 8. Résultats du PIRLS de 2011 en Europe.

Liste des pays.jpg

Ce qui revient également souvent dans la presse, dans les médias et dans la bouche de nombreux·se·s écrivain·e·s, femmes et hommes politiques… est que les jeunes Français auraient un niveau particulièrement bas en lecture par rapport aux autres locuteur·rice·s des autres langues. Régulièrement, sont publiées des études bouleversantes nous rappelant sans cesse cette triste réalité que nous vivons : les enfants français sont nuls en lecture. Une étude sur la presque-totalité des pays européens publiée en 2011 par le PIRLS (Programme International de Recherche en Lecture Scolaire) et retranscrite dans une « note d’information » du très respectable et ô supérieur Ministère de l’Éducation nationale (qui à l’époque ne s’appelait que Ministère de l’Éducation nationale) prouverait que les élèves de CM1 français seraient moins doués que les élèves du même âge en Pologne, en Finlande, en Angleterre, en Allemagne, en Italie…

Mais il y a tout de même quelque chose qui cloche : « L’échantillon français regroupe 4 438 élèves effectivement évalués, répartis au sein de 277 classes. Au niveau international, l’échantillon porte sur 10 539 écoles et 291 709 élèves. », nous dit-on, et les pays étudiés sont au nombre de quarante-cinq. Allez-y, divisez 291 709 par 45. Le résultat ? 6 482, en principe. Et rappelez-moi le nombre d’élèves français étudiés ? 4 438. C’est-à-dire deux mille de moins que ce qui aurait été nécessaire pour établir une équité totale entre les États… Mais l’étude qui a fait le plus de bruit est largement celle de 2016 (car le PIRLS a lieu tous les cinq ans). Notamment dans Le Parisien, qui s’affole : « Le résultat est sans appel. L’Hexagone se classe 34e sur 50 pays, et bon dernier parmi les États européens. » Jetons un petit coup d’œil à l’étude originale… Pas de chance, nous sommes juste avant la Géorgie et Malte, qui sont — si je ne m’abuse et si je ne me trompe — en Europe, à l’instar de la France… Enfin, pour vous rassurer, sachez que l’OCDE a mené en 2003 une étude sur des adolescent·e·s de quinze ans à travers une quarantaine de pays de tous les continents. Les résultats de la France parlent d’eux-mêmes...

Figure 9. Le classement des pays par ordre décroissant de points dans le PIRLS de 2016. En mauve, les pays d’Europe, en vert les pays d’Amérique, en violet-parme, les pays d’Océanie, en orange, les pays d’Asie et en marron les pays d’Afrique.

Figure 10. Comparaison du niveau moyen de compréhension de l’écrit dans quarante pays du monde. (OCDE)

v

IMG_0967.PNG

Pourquoi les jeunes Françaises et les jeunes Français sont-ils si nuls en lecture ? Une des pistes évoquées et des plus évocatrices est bien sûr celle des caractéristiques de leur — de notre — langue, car le français est une langue étiquetée « opaque » par les linguistes, ce qui signifie qu’elle possède un nombre de phonèmes (de sons différents, comme /a/ ou /k/) bien plus bas que le nombre de graphèmes (de manières d’écrire ces sons comme « a », « ha », « â » ou « k », « c », « qu »…) Ce caractère rend la lecture bien plus compliquée et bien moins fluide. Par exemple, le mot « oiseaux » devrait classiquement se prononcer « oïssé-a-ux » et comme vous l’avez compris, ce n’est pas du tout le cas. D’ailleurs, la langue anglaise est dans le même cas (mais en douze fois plus fort, voir le tableau) et c’est une des langues dont le plus grand nombre de locuteur·rice·s est atteint de dyslexie (20 % environ). On pourrait aussi citer tous les signes diacritiques (tréma, accents aigu, grave, circonflexe, cédille, ligatures…) qui ajoutent — si je puis dire — des caractères à notre alphabet et bien sûr le très grand nombre de lettres muettes, voyelles (Août, oIgnon, enviE) et consonnes (loucheRbem, Héroïne, denT) : des mots comme « huent » peuvent contenir 80 % de lettres non prononcées (ici, le H, le E, le N et le T)… Ajoutez à cela tous les digrammes biscornus (ph, ch, gn…) qui sont parfois contredits, la non-francisation des mots étrangers qui obéissent à des règles phonétiques étrangères (clown, hashtag, football et handball…) Donc Monsieur Blanquer, Messieurs et Mesdames les académicien·ne·s, si vous voulez redresser le niveau de lecture des élèves français·e·s, vous savez ce qu’il vous reste à faire ?

Phonèmes-graphèmes en français.jpg

Figures 11 et 12. Comparaison du nombre de graphèmes et de celui de phonèmes. La première figure représente le cas de la langue française, la deuxième traite en plus de l’anglais, le l’allemand, de l’espagnol, de l’italien et du latin.

Comparaison.PNG

Les féministes vont tuer la langue française !

FAUX

 

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les féministes n’apportent pas que joie et volupté à notre monde. C’est ce que l’on pourrait déduire de la première de couverture de Valeurs actuelles datant du 17 mai (2019) : « La nouvelle terreur féministe ! », faisant écho à une autre couverture, du magazine Causeur, cette fois-ci, datant de 2015 : « La terreur féministe ! », avec le sous-titre que voici : « Sexismes, inégalités, harcèlement… Elles vous ont à l’œil ! » Oui, évidemment. Les féministes sont des extrémistes nazis qui vont arracher à l’homme sa dignité et sa virilité. Et les millions de femmes qui prétendent se faire violer chaque année, c’est juste pour se débarrasser de leurs hommes… Sérieusement ? En est-on encore là en 2019 ? À l’heure où l’on imprime les premiers organes en trois dimensions, alors que le taux de mortalité infantile n’a jamais été aussi bas, alors que l’on commence à prendre conscience de l’incroyable impact que nous avons sur notre environnement, en est-on encore là ?

 

« La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. » « Ce français également défiguré, atteint d’une maladie qui couvre la page d’une sorte d’eczéma, nous amènerait à rédiger à nouveau certains articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (…) Comment lire ce charabia, cette écriture sans parole, même en le prononçant silencieusement dans sa tête ? » « Une agression de la syntaxe par l’égalitarisme. Un peu comme une lacération de la Joconde mais avec un couteau issu du commerce équitable. (…) Une réécriture qui appauvrit le langage, exactement comme le novlangue dans 1984. » « un grave danger pour notre langue et notre République », « douloureux », « consternant »… À votre avis, quel est cette langue désunie, disparate, illisible, quel est ce charabia, cette écriture sans parole, cette agression de la syntaxe, cette lacération de la Joconde, cette réécriture qui appauvrit le langage, ce si grave danger ? Je vous le donne en mille : l’écriture inclusive.

À son apparition, dans les années 2000-2010, que ce soit au Québec ou en Belgique, et même en France, elle passe totalement inaperçue. En 2015, d’ailleurs, le Haut Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes nous avait muni « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe », passé totalement inaperçu lui aussi (manifestement). C’est seulement en 2017 que l’Académie française, un peu longue à la détente, à l’instar de l’écriture de son neuvième dictionnaire entamée il y a trente-trois ans et toujours inachevée à l’heure où j’écris, se rend compte de l’existence d’une écriture dite « inclusive », qui propose candidement de trucider les mots à coups de points médians pour les rendre plus « respectueux de l’égalité entre femmes et hommes ». Aussitôt, elle commence une croisade sur toutes les terres francophones pour tenter d’éloigner ce monstre ô combien menaçant. Les médias s’emparent de l’affaire, les journalistes s’emparent de l’affaire, suivi·e·s de près par les philosophes, les intellectuel·le·s, les écrivain·e·s, les professeur·e·s, les ministres, et cætera… Se créent alors deux camps distincts, semblables à ceux de l’affaire Dreyfus : pro-écriture inclusive, anti-écriture inclusive. Les premiers brandissent l’égalité entre les femmes et les hommes, nécessaires à l’équilibre de notre pays, tandis que les deuxièmes, vénérant un fantasme passé depuis bien longtemps, rappellent une prétendue beauté, pureté de la langue française qu’il ne faudrait surtout pas écorcher. Les gens s’insultent sur les réseaux sociaux, s’envoient des messages rageurs, se battent, en viennent parfois aux mains… Les féministes auront-elle·il·s raison du français ?

De même pour la féminisation des noms de métiers ! Depuis déjà des dizaines d’années que des milliers de personnes défilent dans les rues, sur la Toile et dans les livres pour réclamer cet apport essentiel à la langue. Pourquoi n’y aurait-il pas de féminin pour auteur ? Pour professeur ? Pour écrivain ? Pour pompier ? Pour leadeur ? Pour maire ? Pourquoi ? Dans les années 1980, le président français François Mitterrand propose de faire avancer un peu le schmilblick en ordonnant la création et la remise en usage de nombreux féminins tels qu’avocate, bourrelle, agente, ingénieure… mais ne fait en réalité qu’atermoyer les vraies mesures. L’Académie française — essentiellement composée d’hommes, je tiens à le re-signaler —, comme à son habitude, se positionne contre toutes les autres formes. Auteure et autrice ? Jamais de la vie ! Professeure ? Dans tes rêves ! Cheffe ? Cause toujours ! Mais elle finira (enfin !) par céder en mars 2019. L’accord de proximité également est réfuté et critiqué dans tous les sens. Il serait moins logique, moins respectueux de notre belle langue française.

Cette féminisation est entérinée et rendue effective en Suisse en 1988, au Québec en 1991, en Belgique en 1993… et reste condamnée par l’Académie française jusqu’au 1er mars 2019 (une semaine avant le jour international du droit des femmes), où, sous la pression des méchantes féminazis, elle cède et autorise les formes « auteure », « procureure », « cheffe », et cætera… « La féminisation des noms de métiers, de fonctions et des titres soulève diverses questions en raison du décalage que l’on observe entre les réalités sociales et leur traduction dans le langage, et les tentatives visant à la réduction de cet écart. (…) Si, dans un premier temps, des femmes se sont accommodées des appellations masculines, c’est parce qu’elles avaient à cœur de marquer, dans la dénomination de leur métier, l’égalité de compétence et de mérite avec les hommes qui avait permis ce qu’elles regardaient comme une conquête ; ce constat est de moins en moins vrai, les nouvelles générations donnant souvent la préférence aux appellations qui font droit à la différence. » écrit-elle avec rancune.

Les féministes voudraient donc mettre en place un accord de proximité, une écriture inclusive, créer de nouveaux mots comme femmage (hommage pour une femme), matrimoine (patrimoine maternel), iel (il et elle) ou celleux (celles et ceux) — tout comme les révolutionnaires, dans les années 1790, ont tenté de remplacer royaume par loyaume —, et surtout terminer une bonne fois sur toute de féminiser les noms de métiers — car l’Académie est restée très floue sur un bon nombre de points tels que le féminin d’auteur. Mais pourquoi ? Ou plutôt, à quoi bon ? Comme le dit si bien l’Académie : « les nouvelles générations donnant souvent la préférence aux appellations qui font droit à la différence. » Mais qu’en est-il vraiment ?

Tout d’abord, le but principal de toute cette histoire est de créer une égalité entre femmes et hommes dans la langue française. Jean Szlamowicz a coécrit avec Xavier-Laurent Salvador un essai enflammé sur le rapport entre sexe et langue. Dedans, ils jugent inutile toute tentative de « changer les mentalités » en « tordant le cou à la grammaire ». Selon eux, cette « doctrine » n’apportera rien à personne et est même un danger mortel pour notre langue. « L’usage du masculin générique (dire le candidat, par exemple et non le·la candidat·e) qui gêne tant les militants n’est un problème que parce qu’on appelle ces formes « masculines ». Dans la réalité sémantique et grammaticale, ces formes sont des neutres (qui s’appliquent aux femmes comme aux hommes): il se trouve que la forme qui s’applique aux hommes est identique, alors que les femmes ont une forme exclusive. » Sauf que cette chose qu’il met en exergue (la neutralité du masculin) est fausse, voire même totalement fausse. Je vous explique…

Une étude a été réalisée en 2003 par Markus Brauer et Michaël Landry du CNRS et de l’Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand dans laquelle les examinateurs ont demandé à cent-un passants et passantes volontaires anonymes choisies au hasard dans divers lieux publics de répondre à un « Questionnaire général sur la politique en France ». Ce formulaire contenait de nombreuses questions banales et sans aucun objectif expérimental et deux dans lesquelles ils demandaient aux sujets de donner les noms des personnalités de gauche et de droite qui seraient les mieux placées pour endosser le rôle de première ou de premier ministre. Deux versions du questionnaire avaient été préparées. L’une où la question était « Citez tous les candidats », l’autre où c’était « Citez tous les candidats/candidates ». Le résultat ? Un terme générique masculin (candidats) engendre quatre fois moins d’images mentales féminines qu’un générique neutre ou inclusif (candidats/candidates). (Bien entendu, les deux chercheurs ont réalisé nombre d’autres études pour confirmer leur conclusion, mais il serait trop long de toute dire ici.)

Ensuite, dire que le masculin serait neutre est erroné. En effet, autrefois, l’accord de proximité prévalait, c’est-à-dire que l’on accordait l’adjectif comme je l’ai fait un peu plus haut, avec le mot qui précède (« passants et passantes choisies au hasard » plutôt que « choisis au hasard »). Cette règle est d’ailleurs celle qui existe en latin, et qui existait en français, jusqu’au XVIIème siècle, où le grammairien Dominique Bouhours écrit que « Lorsque deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. », suivi par Nicolas Beauzée, qui, un siècle plus tard, enfonce le clou : « Le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. » (Cependant, l’accord de proximité continue à être utilisé régulièrement pendant le XIXème siècle). Le féminin est maudit, conspué, banni, rabaissé, l’accord de proximité n’est plus. Le masculin n’est pas neutre. Délibérément, volontairement, sciemment, il a été jugé plus fort, supérieur, pour réduire les femmes à néant. Le masculin n’est pas neutre. Et c’est là que naît le fameux adage « Le masculin l’emporte sur le féminin ». Une phrase que journaliste et écrivaine Titou Lecoq condamne, elle aussi au nom de l’égalité. « J’avais neuf ans, et cette image m’a révoltée. Le jour de cette leçon, toutes les filles de la classe ont hué et les garçons ont applaudi. (…) Les filles perdaient la partie. Guillaume et Quentin ont claironné : « Vous êtes moins fortes ! Vous êtes moins fortes ! » (…) Mais nous, ce qu’on voyait, c’était que la règle nous disait que les garçons l’emportaient. Et les garçons comprenaient exactement la même chose. Il nous a donc fallu apprendre par cœur et réciter « le masculin l’emporte toujours sur le féminin ». Ce n’était pas seulement une règle écrite. C’était une phrase qu’on devait dire à haute voix, plusieurs fois, devant toute la classe. Je me sentais assez humiliée de devoir faire ça. »

« La lutte contre les stéréotypes de genre, qui est essentielle au progrès de l'égalité réelle des femmes et des hommes, ne peut être efficacement menée si cette maxime n'est pas mise au ban de l'école. » expliquent trois-cent-quatorze professeuses et professeurs dans une tribune dans Slate, dans laquelle elles et ils invitent tou·te·s leurs collègues à bannir la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin. Pour eux·lles, l’alternative n’est pas unique : en plus de l’accord de proximité, que vous connaissez maintenant, ils proposent l’accord de majorité (« Mille femmes et un homme heureuses ») — beaucoup plus intuitif, mais qui peut poser des problèmes quand on n’a pas de chiffre précis — et l’accord au choix — qui, à mon avis, va en faire frémir plus d’un·e. Toutefois, leur pétition, sur le site change.org, a déjà reçu près de trente-cinq mille signatures (au moment où je vous écris, car de plus en plus de personnes semblent y adhérer. Pour plus de précision, je vous invite à regarder la rubrique « Sources et références » à la fin de cet article). Maria Candea et Laélia Véron, sociolinguistes, pour remédier à cet aveuglement général, proposent, d’« expérimenter, par exemple, le féminin générique, une semaine par an, autour du 8 mars (journée des droits des femmes), dans toute la presse et sur tous les réseaux sociaux ? Si pendant une semaine, nous entendions seulement « bonjour à toutes » et nous lisions que « les Françaises sont intéressées par les voitures électriques », « les dirigeantes européennes sont inquiètes », « les manifestantes battent le pavé », « le pouvoir d’achat des ouvrières et fragilisé » et « les actrices se préparent pour le festival de Cannes », tout en étant invitées (hé oui, messieurs) à comprendre que cela inclut aussi les hommes, les réactions qu’une telle expérimentation ne manquerait pas de susciter nous permettrait de saisir le caractère non anecdotique de ces questions. »

Aussi, avant la naissance de l’Académie française, existaient de nombreux termes féminins comme peintresse, doctoresse, dompteresse, autrice… mais que les hommes et, plus particulièrement les grammairiens, ont préféré taire, éclipser, pour s’octroyer ces métiers et faire en sorte qu’il n’y ait plus aucune femme peintresse, doctoresse, dompteresse ou autrice. Et ce n’est pas tout ! Du jour au lendemain, le participe présent n’existait plus qu’au masculin (une femme étante malade devenait une femme étant malade), le mot personne au pluriel est devenu masculin et la même chose pour les pronoms personnels (une femme ne devait plus dire : « malade, je la suis aussi », mais « malade, je le suis aussi »). Tout a basculé. Ainsi, selon de nombreuses et de nombreux linguistes, on ne devrait pas — ou du moins plus — parler de féminisation, mais de démasculinisation de la langue française. Le fait est que ce déficit actuel de noms de métiers et de titres féminins peut parfois devenir ridicule, comme quand l’Académie française a souhaité rendre femmage — hommage, pardonnez-moi — à une de leurs membres, Assia Djebar, en 2015 : « Le Secrétaire perpétuel [qui est une femme] et les membres de l’Académie française ont la tristesse de faire part de la disparition de leur confrère, Assia Djebar, chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, décédé [hé oui, sans E] le 6 février 2015. » Comme si le féminin était dangereux pour la santé, à consommer avec modération…

En plus d’être légitime, le combat féministe qui consiste à vouloir rendre la langue plus égalitaire et plus respectueuse des femmes n’est pas contre la langue. Vouloir une écriture inclusive ou encore l’accord de proximité n’est pas vouloir effacer l’histoire de la langue française, comme le dit Raphaël Enthoven, dont le manque de culture et de recherches au préalable est désormais confirmé. Vouloir tout cela n’est pas vouloir violer la langue, la rendre « bien-pensante », la purifier ou encore l’assassiner. Ce n’est qu’une sorte de retour au source nécessaire. L’écriture inclusive ne vous plaît pas ? Soit. Les points médians ne sont peut-être pas la meilleure solution. Alors, que faire ? Nombre d’autres langues ont déjà répondu à cette question. En espagnol, on utilise l’arobase comme signe de la neutralité (« amig@s » pour « amigas y amigos »). En allemand, de nouveaux mots ont été créés, comme « Studierende » pour « Student und Studentin » (étudiants et étudiantes), et de nouvelles formes sont entrées dans l’usage pour le neutre : le masculin suivi du suffixe « In » (« LandwirtInnen » pour « Landwirt und Landwirtin » (agriculteur et agricultrice, « -en » étant ici la marque du pluriel)). Quand à l’accord de proximité, il est couramment utilisé dans toutes les autres langues romanes ! Ces formes ne font plus débat ! Nous sommes donc à la ramasse ! Le français reste encore, avec l’italien (où il n’existe toujours pas de féminin pour ministre) et le suédois (où le pronom neutre « hen » fait l’objet de houleux débats), une des langues qui fait le plus de résistance au progrès. Et si, carrément, nous faisions comme en anglais, à savoir supprimer toute marque du féminin et du masculin ou bien rendre les adjectifs invariables en genre ? Mais peut-être est-ce trop radical pour certains esprits un peu trop bornés…

Les Belges vont tuer l'accord du participe passé !

FAUX

Tout est parti d’une tribune publiée dans le journal Libération, le 2 septembre 2018, douze heures avant la rentrée des classes. Dedans, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, humoristes, écrivains et protagonistes du spectacle La Convivialité, où ils mêlent vannes et orthographe, et surtout, anciens professeurs, militent en faveur d’un changement radical de la règle d’accord du participe passé avec le verbe avoir (celle qui instigue à accorder le participe passé en genre et en nombre s’il est utilisé dans un temps composé avec le verbe avoir avec le complément d’objet direct quand celui-ci est antéposé — placé avant — l’auxiliaire, sauf si le participe est suivi d’un sujet, d’un attribut, d’un complément prépositionnel ou d’un verbe à l’infinitif prépositionnel). « Souvent, les enseignants savent expliquer comment on accorde, mais pas pourquoi. L’incohérence des règles traditionnelles les empêche de donner du sens à leur enseignement. Le temps moyen consacré aux règles actuelles est de 80 heures, pour atteindre un niveau dont tout le monde se plaint. Il serait tellement plus riche de le consacrer à développer du vocabulaire, apprendre la syntaxe, goûter la littérature, comprendre la morphologie ou explorer l’étymologie, bref, à apprendre à nos enfants tout ce qui permet de maîtriser la langue plutôt qu’à faire retenir les parties les plus arbitraires de son code graphique. Pourquoi l’esprit critique s’arrête-t-il au seuil de l’orthographe ? Parce tout le monde a appris à ne plus se demander pourquoi. Enfin, pas tout le monde. La fédération Wallonie-Bruxelles, en accord avec ses instances linguistiques, envisage sérieusement d’instaurer l’invariabilité du participe passé avec l’auxiliaire avoir. (…) Voici donc la nouvelle règle sur laquelle s’appuyer : « Le participe passé, avec l’auxiliaire être, s’accorde comme un adjectif (c’est-à-dire avec le mot auquel il se rapporte). Avec l’auxiliaire avoir, il ne s’accorde pas. » (…) Osons l’affirmer : les règles d’accord du participe passé actuelles sont obsolètes et compliquées jusqu’à l’absurde. Compte tenu du fait qu’elles ne sont pas fautives, qu’elles suivent l’usage, qu’elles libèrent du temps scolaire, qu’elles sont recommandées par toutes les instances officielles d’avis sur la langue et les universités, on est en droit de se demander pourquoi ces règles ne sont pas appliquées. »

Grevisse et Goose.jpg

Figure 13. Les règles d’accord du participe passé selon Le Bon usage de Grevisse et Goose. Dans ce livre, quatorze pages sont consacrées aux différentes exceptions à ces règles.

Pendant une semaine, on n’a parlé que de ça. Une vague. Un ouragan. Un déluge. « La Belgique veut simplifier l'accord du participe passé » (Le Monde). « Orthographe : la guerre que les Belges ont déclaré » (Libération). « La Belgique déclare la guerre du participe passé » (France info). « Quelle mouche a donc piqué les Belges ? » (Le Temps). « Pas touche à l'accord du participe passé ! C'est l'une des règles les plus élégantes de la langue française. » (Aymeric Caron). « Il faut être sot pour penser et dire que l’orthographe est la science des ânes. » (Olivier Siou). « La Belgique envisage de simplifier l'accord du participe passé » (Les Inrockuptibles). « Chaque fois que l’on essaie d’avoir une réflexion, un regard un peu distancié sur la langue, les ardeurs se réveillent, les passions se déchaînent. » (Philippe Blanchet, sociolinguiste). « Bientôt la fin de l’accord du participe passé ? » (Femme actuelle). « Je ne me vois pas lire Proust, où les participes sont nombreux, dans cette nouvelle écriture. » (Bernard Pivot). « Renoncer à maîtriser la langue, c’est renoncer à penser. » (Romain Vignest, professeur de lettres classiques, qui réussit à nous faire croire que ne pas respecter les lois actuelles en matière de participe passé va toutes et tous nous rendre abrutis.) Mais mon préféré est largement Jean-Michel Blanquer, ministre très-officiel de l’Éducation Nationale, qui explique on-ne-peut-plus sérieusement que le succès et le rayonnement à l’international de la France, alors que démographiquement et géographiquement, c’est loin d’être le pays le plus important, est dû à la règle d’accord du participe passé. (Je vous assure, il faut absolument que vous voyiez l’extrait vidéo, c’est extrêmement croustillant). Bref, la règle d’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir est vitale pour la survie de la langue française et pour celle de quelques réactionnaires rétrogrades.

Mais dire que les Belges vont supprimer cette règle est faux. Et ce pour deux raisons. La première est que cette règle est très récente à l’échelle de l’histoire de la langue française. Elle est inventée au XVIème siècle par Clément Marot, poète officiel du roi François Ier. Amoureux de l’Italie et de l’italien, il décide de calquer la règle sur cette langue qu’il aime tant. Le participe passé utilisé avec le verbe être s’accordera toujours en genre et en nombre avec le sujet. Le participe passé utilisé avec le verbe avoir restera invariable, excepté s’il est précédé d’un complément d’objet direct, dans ce cas, il s’accordera avec le susdit complément. Sauf que cette règle n’existe pas en italien. Ou du moins, elle n’est pas tout-à-fait la même : en italien, l’accord du participe passé avec le verbe avoir ne se fait avec le complément que si celui-ci est présent sous la forme d’un pronom (on écrira « Le mele che ho comprato » (« Les pommes que j’ai acheté », mais « Le ho comprate » (« Je les ai achetées »). Peu après, le grammairien Vaugelas, dans ses Remarques sur la langue française, apporta (malheureusement) son grain de sel en ajoutant plusieurs exceptions à la règle qui était elle-même une exception… Peu importe, le fait est que cette règle n’a jamais réellement été mise en application. Eh oui, car dès sa naissance, elle fait débat, et attise les colères de nombreux·ses écrivain·e·s. Louis Meigret, Ronsard, Marguerite de Navarre, Charles Duclot, l’abbé Mallet, Bossuet, refuseront d’utiliser — ou du moins n’utiliseront pas — cette nouvelle règle. Voltaire ira même jusqu’à dire que Clément Marot « a ramené deux choses de l’Italie : la vérole et l’accord du participe passé. Je pense que c’est le deuxième qui a fait le plus de ravages. » Puis, dans les années 1900, 1901, 1976 et 1990, furent publiés plusieurs arrêtés ministériels prônant une plus grande tolérance orthographique à l’égard de cette règle, en changeant certains points jugés trop illogiques — bien que tous le soient en fin de compte — notamment. Aussi, le Bescherelle, référence en matière d’orthographe et de grammaire de nos jours, explique que « La règle de l’accord du participe passé (…) est l’une des plus artificielles de la langue française ». Bref, on peut très facilement dire que cette règle n’est quasiment pas utilisée à l’écrit.

En 2006, la linguiste Claire Blanche-Benveniste décide de réaliser une étude de très, très grande ampleur. Pour démontrer ce que je cherche à vous démontrer — à savoir que l’accord du participe passé n’a jamais, n’est et ne sera jamais appliqué pour de vrai —, elle étudie un corpus de plus de quatre-vingt-quinze mille mots prononcés à l’oral. Pour vous donner un ordre d’idée, c’est le nombre de mots que l’on utilise en six jours en moyenne. Résultats : sur ces quatre-vingt-quinze mille mots, deux mille trois cents (soit 2,42 %) sont des participes passés. Sur ces deux mille trois cents participes, quarante-sept seulement ont des terminaisons audibles une fois accordées (ouverte, faites, mise…), soit 0,2 %. Et ce n’est pas fini : sur ces quarante-sept participes, seulement seize sont conjugués avec l’auxiliaire avoir. Et même dans ce cas extrêmement spécifique, l’accord n’est vraiment fait que dans un cas sur dix, c’est-à-dire dans 0,01 % des participes, ou dans un seul mot au total. Enfin, on remarque que cet unique verbe accordé correctement est dans une très grande majorité des cas le verbe faire. Pour résumer, cette règle a toujours connu des opposants, elle n’est d’ailleurs respectée que dans une infinitésimale partie des textes, et à l’oral, elle est totalement oubliée, à l’exception d’un verbe, faire, en l’occurrence. Enfin, elle n’est qu’à moitié obligatoire. Donc si cette règle n’existe pas, on ne peut pas la modifier ou même la supprimer. CQFD.

Figure 14. Résumé de l’étude de Claire Blanche-Benveniste en vidéo.

Deuxièmement, qui a dit que les Belges allaient supprimer l’accord du participe passé ? Ce qu’on entend ici par « Belges » ne désigne dans les faits que le conseil de la langue française et de la politique linguistique de la fédération Wallonie Bruxelles, le conseil international de la langue française et la fédération internationale des professeurs de français. Mais selon Éric Étienne, porte-parole de la ministre de l’Éducation belge, Martine Schyns, « Les ministres concernés et le gouvernement n’ont pas été saisis d’une quelconque demande du Conseil de la langue française et ne sont donc pas amenés à se positionner, en tout cas à ce stade. » En réalité, le Conseil de la langue française et de la politique linguistique a envoyé son projet de réforme au Ministère depuis 2015. Il aurait été perdu au fond d’un tiroir et tombé aux oubliettes assez rapidement ; bref, rien de plus banal. Mauvaise foi ou vérité ? Personne ne le sait à ce jour. En tout cas, rien de très officiel là-dedans. Mais maintenant, la polémique étant passée depuis déjà quasiment dix mois, nous pouvons l’affirmer : c’est toujours les mêmes règles d’accord qui sont enseignées… Et l’Académie française, dont certains membres ont été interrogés à la suite de tout ce débat, a déclaré solennellement qu’elle n’envisageait en aucun point de modifier cette règle… pour l’instant.

En réalité, la question n’est pas de savoir si les Belges veulent — ou non — abolir la règle de l’accord du participe passé. L’orthographe n’est qu’un code graphique qui sert à transmettre notre pensée, à retranscrire la langue que l’on parle ou que l’on écrit. Quand une langue évolue, son code graphique doit évoluer avec elle. Aujourd’hui, ne devrions-nous pas nous interroger sur la véritable place que l’on doit accorder à cette règle, si elle continue d’exister ? Pourquoi ne pas toutes et tous adopter les nouveautés proposées par la Fédération de Wallonie Bruxelles ? Après tout, c’est l’usage qui fera de ces ambitions des réalités ou des utopies. Si nous voulons changer, changeons. La règle officielle et recommandée par tous les « bons usages », est artificielle à souhait, étrange, illogique, tirée par les cheveux, élitiste ; son temps est à présent révolu, si tant est qu’il ne l’ait pas été une fois. Personne ne la maîtrise parfaitement. Pas le Président, qui se proclame pourtant lettré et cultivé (voir « Sources et références » pour quelques anecdotes). Pas même le Ministre de l’Éducation Nationale, qui a pourtant pour rôle d’améliorer les conditions de travail des élèves et de professeur·se·s françaises et français (voir « Sources et références » pour quelques anecdotes »). Pas même les Immortels. Pas même vous, pas même moi, pas même chacune et chacun d’entre nous. À quoi sert-elle ? Je me le demande — je vous le demande — je le demande à tou·te·s les Francophones — à quoi sert-elle ? À rien. Quatre-vingts heures sont nécessaires pour l’apprendre. Mais que pourrait-on faire en quatre-vingts heures ? Apprendre des langues ? Jouer des instruments ? Lire ? Jouer ? S’amuser ? Se reposer ? Penser ? S’émouvoir ? Ne nous voilons plus la face. Contrairement à ce que disent toutes et tous les misonéistes, néophobes ou tout simplement rétrogrades, nous pourrons survivre sans « les pommes que j’ai mangées ».

« À trop vouloir préserver la langue d’une prétendue corruption… on risque de la tuer en l’embaumant. » Luc Benz.

J’aimerais que l’on se pose. Sept secondes, pas plus. J’aimerais dédier cette lettre à Alain Finkielkraut, à Michel Zink, à Christophe Girard, à Aymeric Caron, à Raphaël Enthoven, à toutes celles et à tous ceux qui veulent préserver la langue d’une prétendue corruption. Oui, j’aimerais te dédier cette lettre, à toi, à elle, à lui, à vous toutes et à vous tous. Ce n’est pas l’arrivée de quelques mots anglais, de quelques mots arabes et de quelques néologismes — aussi bizarres soient-ils — qui va tuer la langue française. Ce n’est pas l’ajout d’un point médian ou la réapparition de formes féminisées qui va tuer la langue française. Ce n’est pas la rédaction ni la lecture de SMS qui va tuer la langue française. Non. Rien de tout cela.

Toutefois, une vraie menace pèse. Sans s’en douter, ce sont les puristes qui vont mettre fin au français. Ce qu’il risque de se passer, c’est une diglossie ; ce qu’il risque de se passer, c’est que notre langue se divise en deux. Car à force de vouloir la protéger de quelque évolution ou de quelque nouveauté, elle va devenir la langue d’une élite, la langue du pouvoir ; et celle du peuple va commencer à évoluer de son côté. Eh oui, le français d’aujourd’hui, qui sera certainement la crème de la crème de demain va s’éteindre, basculer, mourir, s’évanouir, s’évanescer. Tout comme le latin. Oui, c’est en voulant hermétiser le latin classique, le « beau » latin, en voulant le rendre insensible et immuable, que le français, l’italien, l’espagnol ou le portugais sont nés. Le latin a disparu à cause du purisme, d’un purisme excessif, d’une sorte de pédantisme alarmiste.

 

Qu’est-ce qu’aimer une langue ? À mon avis, c’est vouloir esquiver ce scénario. Pourquoi vouloir conserver l’image révolue d’une langue morte et artificielle ? Pourquoi ne pas regarder la vérité en face ? Pourquoi n’arrivons-nous pas à saisir la beauté d’aujourd’hui, à saisir l’éphéméréité de toutes ces paroles, de chaque instant, de chaque seconde, de chaque minute ? Pourquoi voulons-nous rester dans le passé indéfiniment pour tenter vainement de protéger notre langue ? Rien ne freinera le changement. Rien. Acceptons-le. Vivons avec. Inversons la tendance. Faisons de lui un ami. Réconcilions-nous avec le français d’aujourd’hui. Pas le français des livres, pas le français que l’on apprend à l’école. Célébrons le français d’aujourd’hui, le français des rues, le français des médias, le français des textos, le français qu’on parle, le français qu’on cause, le français qu’on jacte ; et tentons tou·te·s ensemble de bâtir le français de demain.

Pour partager ce bout de savoir...

Sources et références

Le SMS va tuer la langue française !


Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, par Maria Candea et Laélia Véron, 2019, éditions La Découverte, pages 206-207 : https://www.lapeinturedesmots.com/le-francais-est-a-nous


Un document sur l’usage du SMS : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00561995/document


Sur la ponctuation dans les SMS (article en anglais) : https://theconversation.com/why-does-using-a-period-in-a-text-message-make-you-sound-insincere-or-angry-61792


Toujours sur la ponctuation dans les SMS (mais en français cette fois-ci) : http://www.slate.fr/life/80437/ponctuation-sms-colere


Un article en espagnol sur différentes études : http://noticias.universia.es/en-portada/noticia/2012/08/29/961944/influencia-mensajes-texto-gramatica.html


L’étude originale du CNRS : http://archives.cnrs.fr/presse/article/3475


L’empreinte carbone du SMS : https://e-rse.net/ecologie-mail-sms-message-empreinte-carbone-270561/#gs.f217rf


La page Wikipédia du « Short Message Service » : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Short_Message_Service


Statistiques sur l’envoi des SMS : https://www.planetoscope.com/electronique/718-nombre-de-sms-envoyes-dans-le-monde.html


Une vidéo : https://m.youtube.com/watch?v=v11B3LgkNPA


La page Wikipédia sur le langage SMS : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Langage_SMS
 

Un article de Slate sur la mort du SMS : http://www.slate.fr/story/58941/smartphones-langage-sms


L’étude sri-lankaise (en anglais) : https://ouslj.sljol.info/articles/10.4038/ouslj.v12i2.7409/galley/3465/download/


Sur la taille du pouce et l’usage du téléphone portable : http://www.rfi.fr/hebdo/20160715-science-smartphones-etude-o2-donnent-coup-pouce-evolution


Contre l’écriture SMS : https://m.youtube.com/watch?v=0Ue7F1QZMYM

Le français évolue de plus en plus vite !

L’article de départ avec l’interview de Michel Zink : http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2016/09/14/37002-20160914ARTFIG00252-michel-zink-le-francais-risque-de-devenir-une-langue-morte-comme-le-latin.php

Un pamphlet anti-académique et anti-réactionnaire de L’Express : https://www.lexpress.fr/culture/livre/le-francais-prisonnier-de-sa-grammaire-depuis-500-ans_1180494.html

Ce à quoi devait devait ressembler le vieux français : https://m.youtube.com/watch?v=3MRCc_dzstA

Réformes orthographiques portugaises : https://pt.m.wikipedia.org/wiki/Acordo_Ortogr%C3%A1fico_de_1990

Réformes orthographiques françaises : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9forme_de_l%27orthographe_fran%C3%A7aise

Réformes orthographiques catalanes : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9formes_orthographiques_catalanes

Réformes orthographiques allemandes : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9forme_de_l%27orthographe_allemande_de_1996

Réformes orthographiques castillanes : http://projetbabel.org/forum/viewtopic.php?t=16261

Quelques informations supplémentaires (notamment statistiques) : http://www.iforum.umontreal.ca/Forum/ArchivesForum/2003-2004/040503/article3518.htm

Un article de Slate sur le « conservatisme » des Français·e·s : http://www.slate.fr/story/114609/francais-puristes-langue

L’accent arabe va tuer l’accent français !

 

Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, par Maria Candea et Laélia Véron, 2019, éditions La Découverte, pages 78-81 : https://www.lapeinturedesmots.com/le-francais-est-a-nous

 

Les amabilités d’Alain Finkielkraut sur l’accent « beur » : https://www.youtube.com/watch?v=lzrycH37oCo&app=desktop&persist_app=1 (à partir d’1 min 4 sec)

 

L’accent du Moyen Âge : http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s3_Ancien-francais.htm

Les jeunes français·e·s sont nul·le·s en orthographe et en lecture !


Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, par Maria Candea et Laélia Véron, 2019, éditions La Découverte, pages 78-81 : https://www.lapeinturedesmots.com/le-francais-est-a-nous


L’étude de départ : http://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/07/5/depp-ni-2016-28-performances-orthographe-eleves-fin-ecole-primaire_658075.pdf


Chiffres de l’éducation des immigrés : http://www.slate.fr/story/38703/gueant-integration-education-chiffres-polemiques


Carte des réseaux d’éducation prioritaire : https://www.nouvelobs.com/education/20141217.OBS8057/decouvrez-la-nouvelle-carte-de-l-education-prioritaire-en-france.html


Carte de l’immigration en France : https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2010-2-page-4.htm#


Ce qu’en dit LCI : https://www.lci.fr/societe/les-eleves-de-cm2-de-moins-en-moins-bons-en-dictee-2011722.html


Ce qu’en disent Les Échos : https://www.lesechos.fr/2016/11/education-le-niveau-en-orthographe-des-eleves-en-fin-de-primaire-baisse-214935


Ce qu’en dit RTL : http://www.rfi.fr/france/20161110-france-une-etude-alerte-baisse-niveau-orthographe-ecoliers


Ce qu’en dit Libération : https://www.liberation.fr/france/2016/11/10/orthographe-toujours-plus-de-fautes-en-trente-ans_1527585


Ce qu’en dit Le Parisien : http://www.leparisien.fr/societe/sale-note-pour-l-orthographe-09-11-2016-6305598.php


Ce qu’en disent RMC et BFMTV : https://rmc.bfmtv.com/emission/les-jeunes-francais-de-plus-en-plus-mauvais-en-orthographe-on-recolte-ce-que-l-on-a-seme-1057852.html


Ce qu’en dit Le Monde : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/11/14/comparez-le-niveau-en-dictee-des-ecoliers-aujourd-hui-et-il-y-a-30-ans_5030868_4355770.html


Ce qu’en dit Le Journal du dimanche : https://www.lejdd.fr/Societe/Education/Orthographe-les-ecoliers-francais-font-de-plus-en-plus-de-fautes-823498


Ce qu’en dit La voix du Nord : https://www.lavoixdunord.fr/72722/article/2016-11-11/pres-de-deux-fois-plus-de-fautes-sur-une-meme-dictee-en-moins-de-30-ans-faites


Au niveau européen, le PIRLS de 2011 : http://cache.media.education.gouv.fr/file/2012/68/0/DEPP-NI-2012-21-PIRLS-2011-Etude-internationale-lecture-eleves-CM1_236680.pdf


Au niveau mondial, le PIRLS de 2016 : https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/219875/1/Caractere_Pirls_58_2017.pdf


L’article du Parisien : http://www.leparisien.fr/societe/niveau-de-lecture-des-ecoliers-la-france-derniere-en-europe-05-12-2017-7433781.php


La dernière étude, par l’OCDE : http://www.oecd.org/education/school/programmeforinternationalstudentassessmentpisa/34473525.pdf


Le document du CNESCO sur les difficultés du français : http://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2018/04/180411_Dossier-synthese_CC_Ecrire_rediger.pdf#page36


Chiffres sur la dyslexie et la langue anglaise : http://www.austinlearningsolutions.com/blog/38-dyslexia-facts-and-statistics.html


Phonèmes et graphèmes de l’italien : http://italien78940.canalblog.com/archives/2009/03/17/13009062.html


Phonèmes et graphèmes du latin : https://gbatti-alinguacorsa.pagesperso-orange.fr/phonemes-graphemes.htm

Les féministes vont tuer le français !


Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, par Maria Candea et Laélia Véron, 2019, éditions La Découverte, pages 112-121 et 183 : https://www.lapeinturedesmots.com/le-francais-est-a-nous


Le « Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe » du Haut Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hcefh__guide_pratique_com_sans_stereo-_vf-_2015_11_05.pdf


La chronique de Raphaël Enthoven sur Europe 1 à propos de l’écriture inclusive (« l’agression de la syntaxe par l’égalitarisme ») : https://m.youtube.com/watch?v=D6QdIUzMCeo


La déclaration officielle de l’Académie française sur l’écriture inclusive : http://www.academie-francaise.fr/actualites/declaration-de-lacademie-francaise-sur-lecriture-dite-inclusive


La chronique de Michael Edwards, de l’Académie française, sur l’écriture inclusive : http://www.academie-francaise.fr/aimons-nous-encore-la-langue-francaise


Les « terreurs féministes » : http://www.slate.fr/story/177366/medias-valeurs-actuelles-terreur-feministe-egalite-femmes-hommes


Le document officiel de l’Académie française sur la féminisation des noms de métiers : http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rapport_feminisation_noms_de_metier_et_de_fonction.pdf


Inventaire dans les différents pays de la féminisation : https://information.tv5monde.com/terriennes/feminisation-des-mots-la-france-en-retard-22877


Une vidéo sur la fameuse règle du « masculin l’emporte sur le féminin » : https://m.youtube.com/watch?v=TN1PS9qGCkI


L’étude dont je parle : http://psych.wisc.edu/Brauer/BrauerLab/wp-content/uploads/2014/07/Brauer-_-Landry-2008-AP.pdf


Le livre dont je vous parle : https://groupegaullistesceaux.wordpress.com/2018/12/01/imaginer-que-modifier-lorthographe-va-empecher-un-salopard-de-battre-sa-femme-cest-un-delire-dintellectuels/


L’article de Titou Lecoq : http://www.slate.fr/story/151880/masculin-emporte-toujours-feminin


La tribune des trois-cent-quatorze professeuses et professeurs : http://www.slate.fr/story/153492/manifeste-professeurs-professeures-enseignerons-plus-masculin-emporte-sur-le-feminin


Leur pétition, sur change.org : https://www.change.org/p/nous-ne-voulons-plus-que-le-masculin-l-emporte-sur-le-féminin


La situation du suédois dans toute cette histoire : http://www.slate.fr/story/56183/hen-pronom-neutre-genre-suede
 

Une tribune anti-écriture inclusive : http://www.lefigaro.fr/vox/politique/nos-dirigeants-laissent-le-fleau-de-l-ecriture-inclusive-se-repandre-20190522


Un très bel article d’Éliane Viennot, principale défenseresse de l’écriture inclusive aujourd’hui : https://blogterrain.hypotheses.org/11453


« Les accords » sur le site d’Éliane Viennot : http://www.elianeviennot.fr/Langue-accords.html


Nécrologies académiques : http://www.elianeviennot.fr/Langue/Veil-masculinisee.pdf

Les Belges vont tuer l’accord du participe passé !


Un article que j’avais écrit il y a fort longtemps sur l’origine de la règle de l’accord du participe passé : https://www.lapeinturedesmots.com/participepasse


Tout est parti de cette tribune dans Libération : https://www.liberation.fr/debats/2018/09/02/les-crepes-que-j-ai-mange-un-nouvel-accord-pour-le-participe-passe_1676135


Femme actuelle : https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/la-belgique-veut-supprimer-laccord-du-participe-avec-le-verbe-avoir-2069276


France Info : https://m.youtube.com/watch?v=JRwNLrKbqt4


Le Temps : https://www.letemps.ch/opinions/accord-participe-passe-une-proposition-belge-seme-discorde


Les Inrockuptibles : https://www.lesinrocks.com/2018/09/04/actualite/societe/la-belgique-envisage-desimplifier-laccord-du-participe-passe/


Le Point : https://www.lepoint.fr/societe/la-belgique-veut-simplifier-l-accord-du-participe-passe-03-09-2018-2247947_23.php


Ce que dit Romain Vignest : https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/04/renoncer-a-maitriser-la-langue-c-est-renoncer-a-penser_5350164_3232.html


Ce que dit Aymeric Caron : https://mobile.twitter.com/CaronAymericoff/status/1036524842940604416


Ce que dit Olivier Siou : https://mobile.twitter.com/oliviersiou1/status/1036509769358618624


Ce que dit Jean-Michel Blanquer : https://mobile.twitter.com/franceinfo/status/1037622894182981632?lang=fr


Ce que dit Bernard Pivot : https://www.liberation.fr/france/2018/09/03/pour-bernard-pivot-tout-le-monde-pourrait-comprendre-cette-regle_1676388


Les petites bourdes d’accord d’Emmanuel Macron : https://www.bvoltaire.fr/petite-lecon-dorthographe-a-lusage-demmanuel-macron/


L’article des correcteur·rice·s du Monde sur le sujet (moins réfractaires au changement !) : http://correcteurs.blog.lemonde.fr/2018/09/10/notre-nra-orthographique/


La page officielle des nouvelles recommandations de la Fédération de Wallonie Bruxelles : http://www.participepasse.info/


Un article un peu plus sérieux de Libération : https://www.liberation.fr/france/2018/09/03/participe-passe-la-belgique-vers-un-choc-de-simplification_1676390


La page Wikipédia sur l’accord du participe passé : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Accord_du_participe_pass%C3%A9_en_fran%C3%A7ais


Un article du blog « La langue française » : https://www.lalanguefrancaise.com/general/le-guide-complet-du-participe-passe/


Peu après l’article, Libération a ajouté quelques précisions : https://www.liberation.fr/checknews/2018/09/11/libe-a-t-il-exagere-en-titrant-orthographe-la-guerre-que-les-belges-ont-declare_1677704


Une vidéo un peu plus sérieuse : https://m.youtube.com/watch?v=g9yOnw0czVg


Le nombre de mots que l’on utilise par jour : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/les-femmes-sont-trois-fois-plus-bavardes-que-les-hommes_1780507.html

Quelque chose à dire ?

Quelque chose à dire ?

Écoutez... Je ne sais que vous dire, si ce n'est « Merci de m'avoir envoyé cette précieuse réflexion ».

Pour partager ce bout de savoir...

... Il vous suffit de copier (puis de coller, évidemment) l'adresse suivante dans vos courriers électroniques, SMS ou autres publications sur les réseaux asociaux :

https://www.lapeinturedesmots.com/alarmisme

Je vous accole vertement mais néanmoins formellement pour votre éventuel partage, votre éventuelle réflexion sur cet article et, si vous n'avez fait aucun des deux, d'avoir au moins pris le temps de lire cet écrit.

bottom of page