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L'Origine du monde

épisode 1

Us et costumes

shirt boutonné Aubergine

L'Origine du monde, en plus d'être un des tableaux (vaguement) érotiques les plus célèbres de la culture française, est le nom d'une nouvelle série lancée par La Peinture des mots. Elle dispense des cours d'étymologie en vrac pour connaître enfin l'origine du monde.

Depuis peu, les humains commencent à prendre conscience de ce qui signifie vraiment «Made in China». On sait qu'en ces trois mots, il faut voir des petits enfants que l'on paie des clopinettes, des misères pour travailler tous les jours de la semaine, avec leurs mains abîmées et épuisées, dans des conditions inhumaines. Alors, beaucoup sont ceux qui ne supportent plus cette idée d'esclavage infantile, ni celle d'un avion qui leur apporte leur costume sur un plateau d'argent, mais en laissant une empreinte carbone monstrueuse. Et si je vous disais que les noms de nos vêtements viennent eux aussi de très loin et qu'ils furent eux aussi importés en avion et en bateau ? Inventaire de haut en bas.

Un article écrit par La Peinture des mots

Et comme promis, commençons par la cime de notre crâne, le faîte de notre tête. Lançons-nous directement dans les choses sérieuses en parlant du bonnet, qui a une étymologie d'une simplicité très étrange et un peu suspecte. On tenterait de le rapprocher du mot bon… Mais pourquoi ? Les bonnets seraient-ils d'une qualité particulièrement superbe ? Descendons un peu. La cravate, mérite notre entière attention. En effet, tout part d'une moquerie : celle des citoyens français qui, durant le XVIème siècle, éclatèrent de rire à la vue de la police croate qui venait les envahir. Ces derniers portaient un ruban qu'ils enroulaient autour de leur cou. Pendant un premier temps, le mot était «crvate» mais possédait un défaut non négligeable : son imprononçabilité. Alors, le A fut ajouté pour permettre un mot phonétiquement utilisable et c'est ainsi que le Croate, dans la mémoire collective française, ne reste plus que sous la forme d'un vulgaire ruban…

À présent, accrochons-nous, car, comme vous devez l'avoir sûrement remarqué, il existe une multitude de vêtements qui se portent au niveau du buste, comme notre illustre T-shirt, mot incontestablement anglais formé du terme «shirt», qui est l'équivalent de notre «chemise» et du suffixe T, qui, lui, évoque la forme-même du T-shirt. Et si vous avez un petit courant d'air, vous avez l'embarras du choix ! Préférez-vous un cardigan ? Origine anglaise certifiée : le mot vient du nom de famille du compte de Cardigan, plus connus pour cette pièce de son costume que pour ses honorables faits pendant la guerre de Crimée. Toujours dans le rayon «Anglais», la redingote, qui nous vient de l'expression «riding-coat», c'est à dire «manteau pour monter à cheval». Quant au smoking, il n'a rien d'anglais, qui est juste un néologisme typiquement français, de même pour la jaquette, qui vient de l'allemand.

On reste dans le même registre avec le chandail qui vous surprendra peut-être. Il s'agit de l'apocope de l'expression «marchand d'ail», ces pauvres vendeurs ambulants, qui, quand la bise était venue, se vêtaient chaudement, avec d'épais gilets en laine. Mais d'ailleurs, d'où vient le gilet ? D'ici, comme non indiqué dans la question précédente. Le mot gilet viendrait très probablement d'un certain Giles qui était le meilleur fabricant de vêtements doux et chauds de France. Et si vous avez vraiment froid, couvrez-vous ! Il vous reste la veste qui connaît elle aussi une histoire atypique, puisque, jusqu'au XVIIIème siècle, elle désignait encore un habit quelconque, au sens large du terme. Mais il vous reste aussi quelque chose d'encore plus chaud, le manteau, lui aussi complètement à côté de la plaque (mais là, à une distance qui se compte en kilomètres !). Ce mot est issu du latin «mantilium» qui désigne très humblement… une serviette…

Du côté féminin, on trouve la robe. Ne vous emballez pas, vous serez très vite déçu par son étymologie. Car si la robe est plutôt chic, elle était autrefois extrêmement péjorative puisqu'elle désigne au départ une dépouille, une ruine, un oripeau en lambeaux. Pis encore, elle partage cette étymologie germanique avec le verbe dérober. Alors, pour vous consoler et vous rassurer, nous vous offrons une jupe. Un belle jupe arabe, tirée du mot «jubet», qui signifie (tout simplement) une longue pelisse.

Si vous cherchez à vêtir vos jambes d'une étoffe plus originale, plus «branchée», vous pouvez porter un pantalon. Et si vous voulez encore plus moderne, prenez le jean. Le premier est italien : il est tiré (c'est le cas de le dire) d'un personnage qui n'est pas à piquer des hannetons, Pantalone, de la Commedia dell'arte, qui avait la coutume de porter un caleçon long de couleur rouge. Quant au jean, il est aussi italien, vu qu'il vient de la ville de Gênes, où l'on fabriquait jadis des pigments de couleur bleue, le bleu de Gênes. Les Anglais, qui ont la fâcheuse habitude de réécrire les mots comme ils les prononcent, créèrent le blue jeans. Une petite ville devenue légendaire grâce à l'usage et Michael Jackson.

Voyons. On a fait la tête, le torse, les jambes… il ne nous reste plus qu'à nous chausser. Dans la catégorie chaussures, deux modèles sont très intéressants d'un point de vue strictement étymologique. Il y a la botte, à qui on reconnaît la faculté de désigner à la fois un vêtement, un charançon, une quantité indéterminée de poireaux, une figure d'escrime et un type de tonneau. Et c'est ce dernier sur lequel nous allons poser nos pattes de petits papillons à la recherche de fleurs rares, puisqu'il partage son origine avec la chaussure haute dont nous parlons. Après les bottes, passons aux chaussures plus féminines, les chaussures à talons. Parlons de l'escarpin. Et pour cela, accrochez-vous psychologiquement. En réalité, l'origine de ce mot est extrêmement obscure. Selon le dictionnaire Littré, beaucoup de linguistes ont émis des hypothèses différentes. Il y en a qui y verraient l'arabe «askaf», qui signifie «cordonnier». D'autres le rapprocheraient de l'italien «scarpa» (chaussure). Le latin «carpisculus» aurait aussi quelque chose à y voir, mais la transition est compliquée. Enfin, le mot pourrait venir de l'allemand «scharf», qui se traduit par «pointe», en référence à la pointe par laquelle se termine l'escarpin en question.

Une conclusion, car il en faut toujours une, c'est que dresser un florilège des noms de vêtements ayant une histoire particulière s'est révélé extrêmement compliqué. Il y en a toujours plus (je vous aurais volontiers parlé du pull-over anglais ou de la chemise à l'origine obscure qui sont eux aussi de joyeux trublions – renseignez-vous) et les mots évoluent perpétuellement. Mais il faut toujours une fin aux bonnes choses. Peut-être qu'après la lecture de cet article, il faudrait se poser et méditer un instant, bien installé dans son beau pyjama sanskrit, mais made in France.

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