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Onze mots aux origines inconnues

Blurred Living Room 2

Camus, aller, canapé, raisin, cadeau, nénufar... Voici une liste non exhaustive des mots dont l'étymologie est inconnue et le restera sûrement toujours. Les historiens ont pu retracer des pistes certes nébuleuses mais qui peuvent paraître convaincantes. Mais en fin de compte, on ne sait toujours pas d'où vient le mot... Voici quelques exemples (par ordre alphabétique) de mots aux origines inconnues :

Un article écrit par La peinture des mots

Aller

Le mot aller est sûrement l'un des pires mots en question d'étymologie. D'autant plus que toutes ses formes (va au présent, ir au futur, alla au passé simple...) semblent avoir une étymologie différente. La forme en "all" pourrait avoir deux origines, toutes deux latines : soit le verbe "ambulare", qui donna ambulance et déambuler, qui signifie marcher, mais ce serait un peu tiré par les cheveux, soit le verbe "andare" qui signifie aller. Cela semblerait plus logique mais il y a un hic que Littré tenta d'expliquer dans son dictionnaire. De tous les mots du dictionnaire français, il n'est jamais arrivé de constater une transformation de N en L. En effet, dans andare, la deuxième lettre est un N. Or, depuis le Moyen Âge, on retrouva des écrits utilisant l'orthographe "aler", avec un L. Admettons que le verbe aller serait donc une exception et qu'il venait en effet de "andare", alors pourquoi deux L ? Inexplicable...

Arlequin

Pour celui-ci, accrochez-vous. Au moins sept possibilités sont envisagées. Cet antonomase célèbre vient du nom du personnage de la Commedia dell’arte, Arlecchino. Quant au nom du personnage, il pourrait venir de l’ancien français « hellequin » (Satan), du germanique « Elfen Koenig » (c’est-à-dire roi des elfes) ou « Erlkönig » (roi des aulnes), de l’italien « lecchino » (gourmand, lèche-cul), qui correspond au caractère du personnage Arlequin, de l’allemand « harl » (bigarré) et « kin » (suffixe signifiant petit), de l’italien allocco (chouette hulotte) additionné du suffixe « ino » (préfixe diminutif), du français « harle » (« oiseau de rivière bruyant au plumage bicolore noir et blanc ») suivi du suffixe diminutif « quin » ou encore du surnom d’un acteur italien, que l’on aurait nommé Harlecchino (petit Harlay), mais cette hypothèse est la moins probable. Je vous laisse réfléchir...

Bistro ou bistrot

Ce troisième mot nous a été donné par un dénommé Jean dans la rubrique "Vos étymologies" qui nous mettait au défi de trouver l'étymologie de bistro, qui peut aussi s'écrire bistrot. Défi relevé. Voilà d'où vient le nom de ce restaurant peu chic. Tous les grands amateurs d'étymologies le savent (et d'ailleurs Jean aussi) que ce mot vient du russe быстро (à prononcer bistro et à traduire par vite), en référence au "bistro" que criaient tous les Russes qui se rendaient dans le restaurant en courant. L'ancêtre du fast-food ou du snack, entre autres. Ils connaissent tous cette origine mais ils ont tort. Car ce n'est qu'une vulgaire légende... En réalité, ce mot est un mot à l'origine peu certifiée. Il pourrait venir du poitevin "bistraud" qui signifiait valet, puis marchand de vin, du mot "bistrouille", qui, dans le nord de la France, désignait un mélange de café et de vin (!), de l'argot "bistingo" (cabaret) ou de bastringue (bistringue), dans un autre patois du nord. En fait, peut-être faut-il continuer de croire en cette légende qui simplifie les choses...

Cadeau

Cadeau lui non plus n'est pas un cadeau. Il est certes moins casse-tête que le verbe aller, mais l'est tout de même. Pour essayer de trouver son étymologie, il faut d'abord savoir qu'au quinzième siècle, le mot cadel (qui a probablement donné naissance au mot "cadeau") n'avait pas le même sens qu'aujourd'hui. Il signifiait "une lettre capitale ornée", inutile et pleine de fioriture, ce que nous appellerions actuellement une lettrine et venait de l'occitan capdel, qui signifie capitaine. Alors, comment est-on arrivé au sens moderne ? Car on considère qu'un cadeau est une chose futile et inutile... Deuxième étymologie possible : le mot latin "catellus", petite chaîne, en référence aux "chaînes" qui reliaient les lettres dans l'écriture cursive, ce que les gens jugeaient comme inutile... D'autres personnes ont proposé une origine arabe : هدية (hadia), qui a la même signification mais une prononciation radicalement différente. En tout cas, contrairement à ce que laissent penser les deux racines les plus probables, un cadeau est toujours bienvenu !

Camus

Ce mot séduisant qui décrit un nez court et aplati ou, au sens figuré, penaud n'a pas un sens très connu et n'est d'ailleurs utilisé que dans le monde de la poésie. Cependant, il est très intéressant du point de vue étymologique, car on n'est pas sûr de son origine, ou plutôt, cinq hypothèses existent... Selon la première possibilité, le mot viendrait de l'occitan "gamuso", c'est-à-dire niais. Reste à savoir le rapport entre les deux mots. Une deuxième école le fait parvenir du gaulois "kam", qui veut dire courbé. Encore une fois, voilà un écart de sens entre les deux mots. Troisième hypothèse, accrochez-vous. Le mot serait formé des racines ca et muse, venant de l'italien muso, signifiant museau. Fausse bonne idée car il n'existe pas de préfixe ca-. La quatrième hypothèse l'apparente à l'italien camoscio et à l'espagnol camusa, autrement dit chamois qui, pendant un temps, se rapportait à une chèvre. Le rapprochement se fait pour le deuxième sens du mot, car être chèvre est assez similaire au mot penaud. Enfin, la dernière hypothèse selon laquelle cet adjectif proviendrait de l'ancien français moussé, c'est-à-dire sot ou aplati...

Canapé

Après l'effort, le réconfort. Voici un mot un peu moins complexe mais problématique car on l'utilise tous les jours... Faites entrer l'accusé. Faites place au canapé ! Alors, comme ça, Monsieur, vous jouez les héros avec vos deux étymologies ? Éclairons le dossier. Deux possibilités sont envisageables. La première est grecque, plus précisément du mot konops, qui signifie moustique, en référence aux moustiquaires qui entouraient les canapés de l'Égypte ancienne. D'ailleurs, en ancien français, le mot canopé signifie rideau. Deuxième probabilité ? Celle-ci est espagnole, mais attention, en ancien espagnol. Cette fois-ci, le mot viendrait de l'expression "canes a pé", littéralement "chien au pied". Pourquoi donc ? En référence aux chiens qui venaient réchauffer les pieds de leur maîtres en s'allongeant dessus, alors qu'ils étaient assis sur leur canapé. Poétique mais capillotracté, n'est-ce pas ?

Hurluberlu

Là aussi, deux hypothèses ont été faites, mais nous ne nous attarderons pas longtemps sur la question. Première étymologie possible : un mot composé de "hurelu" et "berlu", respectivement "ébouriffé" et "qui a perdu la tête", en ancien français. Bonne définition. La deuxième est encore plus simple : il s'agirait d'un mot anglais, retranscription du mot "hurly-burly", traduisible par tumulte. Mais un problème se pose : celui du sens. Quel est le rapport entre le tumulte et l'hurluberlu ? À méditer...

Nénufar

Là, on risque de causer une intempérie car nous voilà au cœur d'une grande polémique orthographique. Nénufar ou nénuphar ? Vous remarquerez que La peinture des mots a choisi la première orthographe, ce qui pourrait être considéré comme une trahison des amoureux du français. "Il faut conserver l'ancienne orthographe, il ne faut pas écrire en écriture simplifiée. En notant un f, plutôt que ph, vous faites une entorse  à l'étymologie du mot !" D'accord. Dans ce cas, écrivez nénufar. Explications. Pour comprendre pourquoi ce mot cause tant de problèmes, il faut remonter en 1934. À cette époque, nénufar s'écrivait nénufar, avec un f. Or, l'année suivante, le dictionnaire officiel de l'Académie française décida de changer l'orthographe de cette plante. La raison invoquée est étymologique. L'Académie se mit à considérer ce mot comme un mot grec, venant du mot "numphaïa", donc qu'il fallait écrire les deux lettres ph à la place d'un vulgaire f. Ils firent une faute grave. Car le mot vient en réalité du sanskrit नीलोत्पल, ("nilotpala"), lotus bleu, qui, passé par le persan, donna en arabe le mot نینوفر ("ninufar"). En conclusion : ceux qui écrivent "nénuphar" ont tort car il n'y a aucune raison pour qu'un mot ne venant pas du grec contienne ph. À bon entendeur.

O.K.

Voilà un des plus grands casse-têtes du monde ! Sept possibilités et toujours pas de réponses. Vous n'êtes pas obligé de vous prendre la tête en plongeant mais faites comme bon vous semble. Commençons par la simplicité. On sait que le mot OK vient de l'anglais et est apparu au XVIIIème siècle. Très facile. Mais d'où vient le mot anglais ? Première proposition : OK serait l'abréviation de "Oll Korrect", qui, en ancien anglais, signifiait "tout est correct". Pourquoi pas ? Deuxième proposition : il viendrait du choctaw, un dialecte parlé aux États-Unis, dans lequel existe le mot okeh, autrement dit "ainsi soit-il". Troisième proposition, plus populaire : un chef d'entreprise, Otto Kaiser, aurait involontairement inventé ce mot quand il écrivait ses initiales sur chaque colis qu'il validait. La quatrième proposition recule la date de l'apparition du mot à la Seconde Guerre Mondiale, par conséquent, elle est moins probable. OK seraient la fusion du chiffre 0 et de l'initiale du mot killed en anglais. Ces deux lettres étaient notées sur les bateaux après une bataille navale et signifiaient qu'aucun mort n'y était transporté. Un moyen de décourager les provocateurs qui ne réussiraient pas à les éliminer. La cinquième proposition nous arrive des mots Oλα καλα qui, en grec moderne, signifient "tout va bien". Voilà encore une histoire d'initiales. D'autres prétendent que l'expression est la retranscription phonétique du français "au quai", mais c'est assez peu probable. Et enfin, voici la septième et dernière hypothèse, mille fois plus simple que toutes les autres : les lettres OK sont justes l'inverse de l'expression KO (knock-out).

Raisin

Le délicieux fruit rouge ou vert avec lequel on fait du vin a lui aussi deux étymologies possibles. Mais l'une est quasiment abandonnée. En ancien français, il faut savoir qu'il se disait "uve", du latin "uva". D'ailleurs, on retrouve ce mot en espagnol, en italien et en portugais. La première idée est celle d'un mot inventé par les frères Montgolfier, qui créèrent, pour leur marque Canson, le papier "raisin", qui était symbolisé par une grappe d'uve. Mais elle est quasiment tombée dans l'oubli. La deuxième est plus certaine. Raisin viendrait du latin "racemo" qui signifiait grappe. Il y a eu le même phénomène en anglais, vu que le raisin s'y dit "grape".

Requin

Pendant un temps, on a cru (et certains croient toujours) que le requin venait du mot requiem, une musique que l'on joue à la mort des gens. L'origine parle d'elle-même. On croyait à l'époque que le requin tuait les humains pour le plaisir... Le Wiktionnaire donne une deuxième étymologie pas trop bête : le mot requin viendrait de l'ancien français reschin (grincheux), qui a donné le verbe reschigner (montrer les crocs). Quand a la troisième étymologie, elle ne semble pas mauvaise non plus. Le suffixe -quin montre que le mot a un rapport avec la race canine. En italien par exemple, requin se dit pescecanne, littéralement poisson-chien. Alors, le requin pourrait être considéré comme un chien marin, au même titre que le poisson-chat, le requin-baleine ou le concombre de mer...

Merci d'avoir lu ce long article jusqu'à son terme, bien qu'en réalité, il ne soit absolument pas représentatif des nébulosités étymologiques du français. Onze mots, c'est très peu et cet article sera sûrement actualisé régulièrement, par exemple avec les mot couperose, danser, argot, orange, sincère, abri, truffe...

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