Mot 33 : zeugme correspondant
- La Peinture des Mots
- 5 déc. 2018
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Il était une fois, un écrivain français. Un écrivain couronné de succès, et lauréat du très prestigieux Prix Nobel de Littérature en 1937. De sa jeunesse, il vécut dans un château sardanapalesque, luxueux et prestigieux. La grande richesse de sa mère et la bourgeoisie de son père lui permirent d'ouvrir les portes de l'écriture et de lui tracer un sillon parsemé de victoire et de richesse. C'est grâce à cela qu'il put entrer dans les écoles les plus restrictives de France : école du Louvre, le lycée Condorcet... et de parvenir jusqu'à la remise des Prix Nobel. Au cours de sa vie, il écrivit des romans à gogo, partit au front, revint à la vie bourgeoise tranquille, se remit à écrire et consacra toute sa vie, jusqu'à la dernière heure, à cette très noble activité. Lorsque son âme fut emportée, une nuit d'été comme les autres, on retrouva chez lui et sa femme une ribambelle d'oeuvres inachevées ou non publiées. Ainsi, son ouvrage posthume constitue une importante partie de son travail et de sa vie, notamment les correspondances qu'il entretenait avec un de ses confrères, Albert Camus. De son vivant, il aura été le centre de nombreuses critiques, mais le grand roi suprême de la figure de style, notamment du zeugme, également nommé zeugma.
Je vous parle ici d’un célèbre écrivain du XIXème siècle, mais il n’a pas le monopole du neurone : de tous temps, de tous âges, de toutes plumes, le zeugme fut une figure de style naturelle et passionnante. On retrouve des traces de cet élément de verve dès la Grèce Antique. Virgile en usa lui-même dès l’aurore de sa carrière. Plus récemment, on la retrouve sous l’incontrôlable stylo combustif de Philippe Geluck : « Notre homme, en ce début de printemps, prit de bonnes résolutions, une douche brûlante, soin de son cuir chevelu, un café au lait avec du pain beurré, ses vitamines, son manteau, l’ascenseur, sa voiture, la route, de l’essence (…), le boulevard, [et] la décision de se garer dans le parking. » Mais l’apogée de cette figure fut au XIXème siècle, quand Victor Hugo en fit usage ainsi que Roger Martin du Gard, le drôle d’oiseau autour duquel nous placerons aujourd’hui nos yeux critiques.
Pour trouver le point commun entre le gros chat comique et l´écrivain compliqué, lisez cet extrait : « Contre ses persiennes closes, Mme Massot tricote, enfermée dans sa chambre et dans sa surdité. »
Le zeugma, du grec « ζεῦγμα » (« zefgma »), qui signifie « lien, adjonction, joug », est une figure de style qui consiste à attacher deux éléments différents en utilisant un verbe. Si le concept est encore un peu flou, ce qui est possible, voilà quelques exemples : « Trois marchandes de boisson et d’amour. » (Guy de Maupassant). « Vêtu de probité candide et de lin blanc. » (Victor Hugo). Le plus fort avec le zeugme est de mêler idées abstraites, figurées avec les idées propres et réalistes. Il peut par exemple être utile dans l’harmonisation d’un texte et pour éviter une répétition de verbe, et tout simplement, il crée un effet naturel et plaisant. De plus, il est à la portée de tout le monde et dans toutes les situations : « se prendre un râteau et un coup de poing dans le visage », « tenir la main de son frère et à sa santé », etc.
La morale de cette histoire est un appel à tous les lecteurs : soyez chic, branché, classe, utilisez le zeugme. Jouez sans modération avec les infinies possibilités qu’il offre, dans tous les cas de figures, même les plus biscornus. Il est disponible en magasin dans le rayon « style » et sur (vous connaissez l’adresse du site). Et plus sérieusement, lisez Hugo et Maupassant.
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