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Mot 19 : endeuillé scotomiser

Attention ! Âmes sensibles, ne partez pas ! Ne vous fiez pas aux apparences : il n'y aura rien de choquant dans ce billet. D'ailleurs, restez ici car le mot scotomiser est un verbe qui peut vous être très utile et très parlant.

Formé par la fusion de deux mots de grec ancien, signifiant respectivement l'aveuglement, la cécité, les ténèbres et le processus (σκότος et ωμα pour les adeptes de la culture hellénique et de tzatziki), le mot arriva en latin avant d'aboutir, si je puis me le permettre, dans la bouche pleine de baguette des français (vous avez dû remarquer que cette chronique réunit à la fois une clarté hyaline et une absence totale de préjugés), sous la forme simple de scotome.

Alors un scotome ? Qu'est-ce que c'est ? Seuls les ophtalmologistes le savent. Il s'agit d'une tache noire de taille variable qui peut apparaître dans le blanc de l’œil de quelqu'un.

D'un point de vue strictement métaphorique, le verbe va de lui-même (cela n'a aucun sens). Cette fois-ci, on touche au domaine de la psychologie plutôt qu'un autre. Sigmund Freud, en donne un exemple plus-que-parlant : "L'un et l'autre n'avaient pas pris connaissance de la mort de leur père aimé dans leur deuxième et dixième année ; ils l'avaient "scotomisée"." Là encore, il donne un exemple catachrétique. Par "ils prirent connaissance", il veut dire "ils prirent conscience", c'est-à-dire que la scotomisation est le déni, le rejet d'une pensée ou d'un fait que l'on ne veut pas admettre par leur pénibilité.

Il s'agit de la deuxième des sept étapes du deuil. Après la mort d'un être qui nous est cher, notre cerveau essaie inconsciemment d'oublier la chose et nie catégoriquement que la disparition a eu lieu. Rappelons-nous du dicton : "La vérité n'est pas toujours bonne à dire". Et cela en dit long sur l'état d'esprit de l'endeuillé et de l'humain en général.

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