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Mot 34 : mithridatiser espéré

Il était une fois, un maçon. Il était maçon car son père était maçon. Il était maçon car il n’avait pas vraiment le choix de le devenir. Il fut donc formé, préparé et destiné à la fabrication de briques rouges et à la construction de bâtiments. Qui aurait pu soupçonner une seconde le destin qui l’attendait ? En 1939, il passe son service militaire et part au front, où il ne restera que trois ans avant d’être blessé gravement entre le gaz moutarde et les bombes. Trente ans de sa vie passèrent. Il devint directeur d’une entreprise de fabrication de matériaux durs. Il gravit les échelons quatre à quatre et, quarante ans après, il arriva au sommet de l’État le plus peuplé de l’Europe, l’Allemagne. En 1995, il accepte d’héberger une initiative ambitieuse et sans précédent : une conférence sur la planète, une réunion sur le climat, et lui donne le doux nom de COP 1.

Trente ans plus tard, eut lieu la COP 21, une des conférences les plus grandioses du début de ce siècle, pendant laquelle furent prises de grandes décisions qui semblaient alors être à la hauteur de l'ampleur du réchauffement de la planète Terre. En deux ans, l'estrade est devenue une scène d'affrontements à coups de répliques en anglais et de poignées de mains furibondes, si bien que le deuxième État le plus polluant du monde se retira de la course, jubilant sans se douter que l'abîme était juste derrière eux et que la chute était inévitable.

Cette semaine, se tient à la COP 24. Le silence qui pèse sur elle comme un couvercle est assourdissant : la plupart n'a même pas idée d'où elle se tient (en l’occurrence, en Pologne). On pourrait s'attendre à une deuxième COP 21. On aimerait que, comme sa prédécesseur, elle change la face monde, que des décisions radicales soient prises. Mais au contraire, on fonce droit dans le mur. Aujourd'hui, les températures moyennes de la France métropolitaine grimpent à en faire imploser les thermomètres et l'augmentation ne fait que s'accentuer. Pire, en vingt ans, les émissions de gaz à effet de serre ont triplé en Chine, ou des dizaines de milliers de personnes meurent chaque année, le cancer du poumon leur ayant dévoré le corps. Le glyphosate a été autorisé pour les trois prochaines années. Mais le temps presse, il faut arrêter de procrastiner, d'atermoyer éternellement (une bonne occasion pour parler d'un mot que vous ne connaissez sans doute pas : atermoyer, synonyme de repousser (une date)). Les politiques ne se rendent-ils donc pas compte que le glyphosate a indirectement un impact sur l'environnement ? Et des conséquences terribles sur la santé humaine ? Faut-il attendre la mithridatisation ?

Justement, la mithridatisation, parlons en. Son nom vient du roi Mithridate VI qui, selon la légende, était tellement effrayé à la vue d'un venin qu'il avait pris la fâcheuse habitude de consommer des doses croissantes de poison pour s'immuniser, se "vacciner". Sauf que la mithridatisation ne sera pas un vaccin si elle n'est pas bien "pratiquée". Comme l'indique son étymologie, elle désigne un procédé selon lequel le fait d'être confronté à un poison rendrait invincible contre ce poison. Or, on parle ici d'un élément mortel, et d'un processus qui doit être naturel et que le corps doit lui-même gérer, en doses aléatoires et extrêmement conséquentes. C'est là que se fait la différence entre la mithridatisation et le vaccin. Elle prend beaucoup plus de temps.

Comprenez qu'on ne peut pas attendre de notre corps qu'il règle tous les problèmes que l'on rencontre. Et il ne faut pas se leurrer. On ne peut pas compter sur la nature, le karma, le destin, le mektoub, l'imprévu, les dieux de l'Olympe, le sort, le hasard et autres superstitions pour qu'ils fassent les choses à notre place. C'est à nous d'agir et de défendre notre monde pour ne pas qu'il se transforme en un incendie immarcescible. Il faut que chacun, au quotidien, apporte sa goutte d'eau à l'édifice, comme un colibri qui ne perd pas espoir. Ne vous découragez pas. Je vous le dis, les yeux dans les yeux, il est encore temps, et vous pouvez avoir un impact sur l'avenir de la planète. Il faut tous que nous adoptions des gestes radicaux mais d'une extrême simplicité, que nous arrêtions de nous spolier et de consumer la Terre. Et si vous ne le faites pas en vous disant que vous ne serez plus là pour voir l'armageddon puis l'apocalypse, faites-le pour votre prochain, votre enfant si vous en avez un, pour l'humanité toute entière. C'est entre nos mains et celle de nos dirigeants que se trouve la solution miracle, car les miracles se produisent.

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