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Mot 44 : polymathe, « esprit ouvert, curieux de tout »

Il était une fois, Boris Vian, « l’héritier de Rabelais », « le triste sosie d’Emmanuel Macron », le « bison ravi », le snob, le déserteur, le rat de cave, celui qui ne voulait pas « le bonheur des hommes, mais le bonheur de chacun », celui qui cacha sa plume sous une trentaine de pseudonymes successifs. Celui qui fit tout. Boris Vian fut jazzman, écrivain, danseur, peintre, chanteur, poète, essayiste, acteur, ingénieur, scénariste, journaliste, traducteur ; c’était un artiste complet. Il fit pleurer les troupes en chantant Le Déserteur, La Java des bombes atomiques. Il envoûta des générations de lecteurs avec son style reconnaissable entre mille. Il inventa des mots : pianocktail, biglemoi, zonzonner, brouillouse, arrache-cœur… Il brava le monde, il risqua sa vie pour dire ce qu’il voulait dire, pour être celui qu’il voulait être et non celui que les autres attendaient de lui. Boris Vian, toujours montré comme pessimiste, avait des ailes, c’était « un de ces aventuriers solitaires qui s'élancent à corps perdu à la découverte d'un nouveau monde », et un des plus grandes idoles de Georges Brassens. Sa vie s’acheva brusquement sur un siège au premier rang d’une salle de cinéma, pendant la projection de l’adaptation de son roman J’irai cracher sur vos tombes. Il fut enterré dans l’ombre, dans un cimetière peu prestigieux, sous une pierre tombale qu’il voulait à son image, vide. Ni fleurs ni couronnes, aucune épitaphe, aucun regret ni aucune larme. Et jamais personne ne vint à cracher sur sa tombe.

Le mot polymathe vient du grec ancien « πολύς » (« polús », qui signifie « beaucoup », et qui donna polygone, polyglotte, polygame, polyvalent, monopoly etc.) et « μανθάνω » (« manthánô », verbe se traduisant par « savoir », qui a donné mathématiques). Littéralement, le polymathe est celui qui a beaucoup de savoirs. Profondément, le polymathe est celui ou celle qui est expert en tout, qui connaît le monde des arts, le monde des sciences, qui écrit, lit, traduit, comprend. L’étrange site Talent Différent décrit le polymathe comme « une personne qui a des connaissances approfondies dans des domaines qui n’ont pas de liens apparents. », comme un « « Homme de la Renaissance », ou un « Homo Universalis », [un] esprit ouvert, curieux de tout. » Des exemples de polymathes ? Le plus célèbre est sans l’once d’un doute, Léonard de Vinci, que l’on connaît aussi bien pour sa machine volante, pour ses tableaux virtuoses et pour son homme de Vitruve gravé au dos des pièces de deux euros. Mais d’autres comme Isaac Asimov ou Leibniz ont aussi la cotte. L’Italien Pic de la Mirandole est aussi un des pionniers de la polymathie. D’ailleurs, son nom forma un des synonymes de polymathe, picdelamirandolien, aux côtés de multipotentialiste et l’anglicisme polyhistor.

Ces derniers temps, ce mot est un peu revenu à la mode. Il a d’abord été employé dans le nom d’un film américain à succès, puis a fait l’objet de nombreuses conférences par ci par là. Il semble que le monde n’appartient plus à ceux qui se lèvent tôt, mais désormais aux polymathes, à ceux qui ont le savoir universel. Jacques Attali, né en 1943, en est un des exemples les plus récents. À la fois économiste, écrivain, haut fonctionnaire, enseignant et musicien, il rejoint Amanda Lear, chanteuse, artiste peintre, animatrice de télévision, mannequin etc. Si le nombre de cas de polymathie est assez peu élevé, il peut augmenter et chacun d’entre nous peut en devenir un. Et si les « Hommes de Renaissance » représentent l’avenir de la planète Terre (sic), devenons-en. Jonglons entre les métiers, entre les disciplines, intéressons-nous à tout. Soyons tous des polymathes !

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